GARDIENNESDE-CAMPS-SS

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LA VIE DES JUIFS EN ALLEMAGNE NAZIE

La vie des Juifs en Allemagne nazie

 

100 000 entreprises juives en 1933

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Le boycottage des commerces juifs avait commencé quelques années avant l'avènement d'Hitler et s'était accentué entre 1929 et 1932 dans le chaos engendré par la crise économique. Les Juifs n'occupaient pas de positions clés dans l'économie mais la concentration de leurs activités dans quelques domaines, tels le marché du bétail (sur les 30000 marchands de bestiaux, plus de la moitié en 1930 étaient juifs), la confection (62% des détaillants de vêtements) et la chaussure, le commerce des métaux non ferreux (60% des entreprises) et les grands groupes de la distribution (quatre des cinq grandes chaînes de magasins appartenaient à des Juifs) les désignaient comme cible. 

 

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On comptait, en 1933, 100000 entreprises juives, mais parmi elles beaucoup plus de petits magasins (plus de 50 000 magasins juifs, mais seulement 5 % du total) et de PME que de grandes sociétés et banques privées. La grande crise n'avait pas épargné les Juifs. Beaucoup avaient perdu jusqu'à leurs retraites. On ne comptait que quelques centaines de familles juives dans la bourgeoisie. Elles n'étaient pas aux commandes de l'économie et le nombre des grandes entreprises juives diminuait, comme la proportion de la population juive. Par suite de l'émigration des jeunes, en 1925 on comptait en Allemagne 564 000 Juifs, en 1933 ils n'étaient plus que 525000. Jusqu'en 1929, le parti nazi ne fut qu'un groupe de pression des petits bourgeois insatisfaits. Mais, après 1929, il parvint à infiltrer les professions libérales, médecins et juristes.

 

Les lois de Nuremberg

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Quand on passa aux confiscations pures et simples, le but avoué était de récompenser les anciens du parti national-socialiste pour les privations subies, en les gratifiants de biens ayant appartenu aux Juifs. Dès 1933, des milliers de fonctionnaires juifs limogés, les avocats juifs radiés du barreau, les médecins et dentistes juifs interdits de profession, sombrèrent dans la misère. Abraham Barkai  cite des annonces de juges juifs qui vendent leur robe d'avocats, qui mettent leur étude à l'encan et d'entreprises cédées à des prix dérisoires. Mais les Juifs restés en Allemagne serrèrent les rangs, les mieux lotis fournissant travail et aide aux autres. Les plus riches parvinrent à faire sortir une partie de leurs liquidités d'Allemagne et l'on vécut des moments de répit trompeur parce que l'Allemagne connut encore du chômage jusqu'en 1936 et que les nazis craignaient un boycottage mondial des exportations allemandes par une internationale juive qui n'existait que dans leur propagande. Berlin signa avec un entrepreneur de Palestine l'accord de la Haavara (mot hébreux pour transfert adopté par la bureaucratie nazie) qui permit de transférer vers la terre de leurs ancêtres des milliers de Juifs et une partie de leurs capitaux reconvertis en équipements techniques allemands.

 

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Hjalmar Horace Greeley Schacht 1877-1970

 

Le pas vers la coercition fut franchi au cours de l'été 1935 avec l'adoption par Hitler des lois de Nuremberg puis avec le limogeage, fin 1937, du ministre de l'Economie Hjalmar Schacht qui aurait tenté de protéger les Juifs. À l'automne 1935, on ne comptait déjà plus que 75000 entreprises juives en Allemagne. Certaines tentèrent de survivre en changeant de nom ou en confiant leur direction à des proches aryens opportunismes désapprouvés par la presse juive.

 

L’émigration forcée

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                                                                          Leopold Edler von Mildenstein1902-1968

 

En été 1935, après avoir effectué un voyage au Moyen-Orient, le SS Leopold Edler von Mildenstein crut avoir trouvé la solution idéale : les Juifs émigreraient en Palestine. Et comme les Juifs allemands ne sont pas tentés, il s'agit de les y pousser par l'intermédiaire des mouvements sionistes (rares) qui considèrent l'émigration en Palestine comme une solution d'avenir.
Mildenstein réussit à convaincre Himmler que son plan était réalisable. Alors fut créée, au sein du SD, une direction des affaires juives.

 

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 Adolf Eichmann 1906-1962

Pour l'aider dans sa tâche, Mildenstein fit appel à un jeune SS autrichien, nommé Adolf Eichmann, jusque-là confiné dans d'humbles emplois.

Cet ancien représentant de commerce né en 1906 à Solingen, incorporé au SD alors qu'il séjournait par hasard à Berlin, était avant tout discipliné et ambitieux. Pour lui tout chef SS était un être supérieur. Et il voulait à tout prix sa place au soleil. Bien que nullement antisémite il fréquentait même une jeune Juive il se mit, avec ardeur, à étudier les théories nazies antisémites, l'hébreu, le sionisme. Il entra en rapport avec des groupes sionistes et publia, en octobre 1936, un mémoire : l'Organisation mondiale sioniste. Il fit rapidement figure d'expert antisémite.

 

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Herbert Martin Hagen 1913-1999


En 1937, Eichmann, devenu le chef du service Organisations sionistes, flt plus encore : il entra en relations avec Feivel Polkes, un Juif polonais émigré en Palestine, l'un des chefs de la Haganah, organisation juive d'autodéfense, qui fut invité à venir à Berlin. Le 26 février 1937, les deux hommes se rencontrèrent dans la capitale allemande et s'entendirent à merveille. Et le 2 octobre, Eichmann et l'Oberscharführer SS Hagen arrivent à Haïfa pour négocier une ébauche d'alliance avec la Haganah. Finalement Polkes accepta d'aider le SD par ses informations contre une somme mensuelle de quinze livres.
Satisfaits des services d'Eichmann, Himmler et Heydrich lui donnèrent de l'avancement. En 1938, il devint le chef de la Direction centrale pour l'émigration juive à Vienne.
C'est alors qu'Eichmann, enivré d'être devenu un chef, gonfla son service et s'entoura des futurs artisans du génocide.
Pour le moment, il voulait des résultats à tout prix. Puisque les Juifs mettaient de la mauvaise volonté à émigrer, on allait les y forcer.
Il y avait en Autriche 300 000 Juifs. Eichmann organisa l'émigration forcée de ces malheureux. Comme la plupart de ces hommes étaient très pauvres, les Juifs riches furent contraints de subvenir aux frais de voyage de leurs compatriotes dans le besoin. En outre, des organisations de secours juives vinrent en aide aux Juifs autrichiens. Au cours de l'été 1938, l'American Joint Distribution Committee versa 100 000 dollars en leur faveur.

 

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Julius Streicher 1885-1946


En automne 1938, les services d'Eichmann avaient fait quitter l'Autriche à 45 000 Juifs.
Cette politique d'émigration des Juifs hors du IIIe Reich se heurta à l'opposition brutale des nazis fanatiques. C'est ainsi que, dans son journal antisémite, Julius Streicher demanda aux pays européens de fermer leurs frontières à l'immigration juive.

 

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En octobre 1938, le gouvernement polonais déclara que les passeports des Juifs polonais vivant hors de ses frontières étaient périmés. Enchanté, le Führer saisit aussitôt cette occasion de se débarrasser des Juifs polonais vivant en Allemagne.
Le 28 octobre, Heydrich, chef de la police de sécurité, fit arrêter dix-sept mille de ces apatrides vivant dans le Troisième Reich.
Cette déportation fut la première de celles ordonnées par le régime nazi. Bien d'autres allaient suivre.
Ces milliers de Juifs furent entassés à bord de camions ou dans des wagons à bestiaux.

 

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Joe J. Heydecker 1916-1997

 

De leurs biens, racontent Joe J. Heydecker et Johannes Leeb dans le Procès de Nuremberg, ils ne sont autorisés à emporter que ce qu'ils peuvent transporter eux-mêmes. Puis, les pitoyables colonnes sont mises en route vers l'est. Près de la gare-frontière de Benschen, on rassemble les malheureux dans les champs. Un ordre, et les policiers de Heydrich, formés en cordon serré, s'élancent pour les chasser devant eux, à coups de poing et de trique, en direction de la frontière. Des vieillards s'écroulent, se relèvent sous les bourrades, s'effondrent à nouveau pour mourir, le visage dans la terre humide.

Surpris par la brusque arrivée de cette marée humaine, les gardes-frontières polonais n'opposèrent aucune résistance à ces milliers d'hommes et de femmes. Ainsi, l'expulsion massive organisée par Heydrich réussit.

 

La vie des juifs dans le Troisième Reich

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Les Jeux olympiques qui eurent lieu à Berlin en août 1936 donnèrent aux nazis une merveilleuse occasion d'impressionner le monde avec les réalisations du Troisième Reich, et ils en tirèrent le maximum. Les pancartes Juden unerwuenscht (Juifs indésirables) furent retirées sans fracas des magasins, des hôtels, des brasseries et des lieux publics, la persécution des Juifs temporairement arrêtée et le pays prit son aspect le plus sage. 

 

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Jamais encore on n'avait vu, dans des jeux précédents, une organisation aussi spectaculaire et un tel déploiement de réjouissances. Goering, Ribbentrop et Goebbels donnèrent des réceptions éblouissantes en l'honneur des visiteurs étrangers : la Nuit Italienne du ministre de la Propagande, sur le Pfaueninsel, près de Wansee, réunit plus de mille invités pour dîner dans un décor des Mille et Une Nuits. Les visiteurs, surtout ceux qui venaient d'Angleterre et d'Amérique, furent très impressionnés par ce qu'ils virent : un peuple apparemment heureux, sain, uni sous Hitler tableau très différent, dirent-ils, de celui que leur avaient peint les correspondants de leurs journaux à Berlin.

 

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Et cependant, sous la surface, dissimulée aux touristes durant ces splendides journées de fin d'été des Jeux olympiques de Berlin, ignorée de la plupart des Allemands ou acceptée par eux avec une étonnante passivité, une transformation dégradante de la vie allemande semblait se produire aux yeux d'un étranger tout au moins.
Il n'y avait rien de caché, bien sûr, dans les lois décrétées par Hitler contre les Juifs, ni dans la persécution, inspirée par le gouvernement, de ce peuple infortuné. Les lois de Nuremberg du 15 septembre 1935 privaient les Juifs allemands de leurs droits civiques et les réduisaient au rang de sujets. Elles interdisaient également le mariage entre Juifs et Aryens, ainsi que les relations extra-maritales entre eux, et elles n'autorisaient pas les Juifs à employer des domestiques aryennes de moins de trente-cinq ans. En quelques années, treize décrets additionnels à ces lois de Nuremberg allaient mettre les Juifs complètement hors la loi. Mais déjà, dès l'été de 1936, quand l'Allemagne, hôtesse des Jeux olympiques, enchantait les visiteurs de l'Ouest, les Juifs avaient été exclus soit par la loi soit par la terreur nazie cette dernière précédant souvent la première des emplois tant publics que privés, dans une telle proportion que la moitié au moins d'entre eux se trouvaient sans moyens d'existence. Dans la première année du Troisième Reich, en 1933, ils avaient été exclus de toutes les fonctions officielles et publiques, du journalisme, de la radio, de l'agriculture, de l'enseignement, du théâtre, du cinéma; en 1934, on les mit à la porte de la Bourse, et, bien qu'ils ne durent être légalement bannis du barreau, de la médecine ou des affaires qu'en 1938, ils ne pouvaient pratiquement déjà plus pénétrer dans aucun de ces domaines à la fin des quatre premières années du régime nazi.

 

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Qui plus est, on leur refusait non seulement la plupart des commodités de l'existence, mais souvent aussi le nécessaire. Dans plus d'une ville, il était difficile, sinon impossible, à un Juif d'acheter de quoi manger. Il y avait, sur les portes de l'épicier, du boucher, du boulanger et du crémier, des pancartes qui disaient : Interdit aux Juifs. Dans nombre d'agglomérations, les Juifs ne pouvaient même pas se procurer de lait pour leurs jeunes enfants. Les pharmaciens ne leur vendaient pas de médicaments. Les hôtels refusaient de les loger pour la nuit. Et partout, où qu'ils aillent, il y avait les pancartes injurieuses Cette ville est strictement interdite aux Juifs, ou Les Juifs entrent ici à leurs risques et périls. Sur une route près de Ludwigshafen, à l'entrée d'un virage brusque, il y avait ce panneau Attention! Virage dangereux! Juifs, 120 à l'heure.
Tel était le triste sort des Juifs vers l'époque où se tinrent en Allemagne les Jeux olympiques. Ce n'était que le début d'une route qui allait bientôt mener à leur extinction par le massacre.

 

L'héroïsme tout simple d'Heinrich List

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En mai 1993, dans le musée de la synagogue de Michelstadt, petite ville thermale du Rhin-Main, les petits-enfants d'Heinrich et Maria List reçurent des mains de l'ambassadeur d'Israël en Allemagne, au nom de leurs grands-parents, la médaille des Justes parmi les peuples. Ceux-ci avaient accueilli au cours de l'hiver 1941-1942 Ferdinand Strauss, un juif. Un geste de simple humanité qu'Heinrich List avait payé de sa vie.
Fils d'un négociant en tissus de Michelstadt, Ferdinand Strauss avait fui chez une onde à Francfort après le pogrom du 9 novembre 1938, la Nuit de cristal. Mais en novembre 1941, quand la chasse aux juifs se fit plus dure encore son oncle étant décédé et sa tante s'étant empoisonnée, Ferdinand Strauss revint dans sa région natale, à Ernsbach. Quand il arriva chez les List, Maria était seule à la maison. Elle n'hésita pas. Lorsque son mari, Heinrich, revint des champs, il trouva Ferdinand Strauss, qu'il n'avait pas revu depuis l'avant-guerre, et fut immédiatement d'accord avec sa femme: Le juif reste chez nous. Et de fait, Ferdinand Strauss resta dans la ferme jusqu'au 16 mars 1942, date à laquelle la police vint arrêter Heinrich List. Un déporté polonais qui travaillait également dans la ferme avait parlé. 
Strauss, lui, parvint à fuir à temps et survécut à la guerre. Heinrich List fut interrogé par un simple policier à qui il déclara: J'admets que depuis la mi-novembre jusqu'à il y a huit jours, j'ai caché le juif Ferdinand Strauss. J'étais le jour dit aux champs. Ma femme était à la maison et l'a accueilli. Je lui ai demandé ce qu'il comptait faire, il m'a dit qu'il voulait rester quelques jours à Ernsbach. À la question du policier sur les raisons qui l'avaient poussé à accueillir Ferdinand Strauss, le paysan répondit simplement: Parce que nous nous connaissons depuis l'enfance et qu'il était tout seul. N'avait-il pas agi par hostilité au Reich ? Insista le policier: Non! Seulement parce que nous nous connaissions bien. 
Comment le Polonais avait-il pu donner autant de détails sur le juif? Questionna enfin le policier : Mon ouvrier polonais et le juif ont mangé tous deux à notre table. Le juif prenait part à toute la vie de famille. La Gestapo plaça alors Heinrich List en détention préventive puis le déporta à Dachau. C'était en mars 1942, deux mois après la conférence du Wannsee. En octobre, le commandant de Dachau informa Maria List que son mari était décédé d'un phlegmon à la jambe et qu'il n'y avait pas d'inconvénient à ce qu'elle vienne chercher l'urne avec les cendres.

 

7000 juifs danois sauvés

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Georg Ferdinand Duckwitz était, lui, un diplomate. Étudiant en droit, il était entré au parti nazi avant 1933. Connaissant bien le Danemark où, avant guerre, il avait été le représentant de la firme de Brême Kaffee HAG, il y avait été nommé par Ribbentrop responsable des questions maritimes à la mission d'Allemagne, un poste qui lui permit de sauver 7 000 juifs danois. En août 1943, le Danemark est sous la coupe du général SS Werner Best, qui avait fait ses classes chez Heydrich. Pour se ménager les bonnes grâces du Führer, Werner Best propose dans un télégramme adressé à Berlin de faire déporter dans un camp d'extermination de Pologne 8000 juifs danois. Dans son télégramme, il précise cependant qu'il a des problèmes de logistique et qu'il faut lui envoyer des renforts pour organiser une telle opération.

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Pendant ce temps, à Copenhague, où il compte de nombreux amis, Duckwitz prend contact avec la Résistance danoise. Il se rend même à Berlin pour tenter d'intercepter le télégramme avant qu'il parvienne au quartier général du Führer. Trop tard ! Le 17 septembre, la réponse d'Hitler arrive: la déportation est approuvée. Le soir du 19 septembre 1943, Georg Duckwitz note dans son journal: Je sais ce que j'ai à faire. Il se rend à Stockholm et informe le Premier ministre suédois Per Albin Hansson, lui demandant d'intervenir auprès de Berlin. Une intervention sans effet.
Duckwitz tente alors d'empêcher la déportation par l'intermédiaire d'amis allemands haut placés. Peine perdue. Il prend ensuite le risque de parler à Werner Best. Tout général SS qu'il est Werner Best est lucide.

 

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Depuis la défaite des armées allemandes devant Stalingrad, il a senti le vent tourner et est soucieux de survivre au IIIe Reich dont il pressent que les mois sont comptés. Le SS assure à Duckwitz qu'en cas de départ illégal des juifs, il n'aurait pas les moyens de les en empêcher. Duckwitz obtient alors le concours de Friedrich Wilhelm Lübke, chef des transports maritimes à Aarhus. Celui-ci prétexte que ses navires sont en mauvais état et qu'il faut faire venir deux bateaux de Pologne pour transporter les juifs. Duckwitz utilise ce répit pour monter une opération avec la Résistance et l'influent parti social-démocrate danois trois futurs ministres-présidents du Danemark participent aux entretiens secrets. Une action d'envergure est mise sur pied. Il s'agit rien moins que de procéder à l'exfiltration des milliers de juifs danois. 

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Le diplomate allemand a même envoyé un émissaire à Stockholm pour prévenir les autorités suédoises de l'opération afin qu'elles se préparent à accueillir toutes ces personnes. Informé par les résistants, le rabbin Markus Melchior prévient à son tour ses fidèles; ils doivent passer dans la clandestinité et se préparer au départ. L'évêque de Copenhague, Hans Fuglsand-Damgaard, proteste auprès des autorités allemandes contre la persécution des juifs et fait lire en chaire dans toutes les églises du pays une déclaration hostile aux mesures allemandes.
Des dizaines de bateaux de pêcheurs danois et de petites embarcations se relaient alors et prennent la mer. À leur bord, plus de 7 000 personnes, vieillards, hommes, femmes et enfants voguant vers la Suède. Curieusement, la marine allemande ne remarque rien : te commandant du port est un ancien collègue et ami de Duckwitz. Et des amis, le diplomate allemand n'en manque pas. Ils lui permettent même d'échapper à la Gestapo. Quand il revint en 1955 à Copenhague comme ambassadeur de la République fédérale, il fut reçu en ami par les plus hautes autorités du pays.

Berthold Beitz sauvé des Juifs au péril de sa vie

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Un autre Allemand, dont l'action en faveur des juifs persécutés sous le régime hitlérien est peu connue hors d'Allemagne, s'appelle Berthold Beitz. Après la guerre, il devint directeur général des assurances Iduna à Hambourg, puis à partir de 1953, pendant plus de vingt ans, fondé de pouvoir de Krupp. Berthold Beitz, garçon d'origine modeste, fils d'un sous-officier des Uhlans, était devenu secrétaire de la filiale de la Reichsbank à Demnin en Poméranie. À 28 ans, en 1941, brillant économiste, il fut nommé directeur de la compagnie pétrolière Beskiden-Ol, ancienne filiale de la Shell.
Il avait sous ses ordres 1500 ouvriers, pour la plupart juifs. Son seul souci quand il arriva à son poste, était de faire carrière. À Borislav, en Galicie, le 15 février 1943, le Responsable des juifs et des camps de travail de l'état-major des SS, Friedrich Hildebrand, déclenche une opération d'extermination contre les ouvriers juifs parqués dans un ghetto, faisant abattre sur-le-champ tous les jeunes enfants, enfermant les autres dans le Collosseum, un cinéma. L'un d'eux, Aleksander Hauer, qui travaille avec Beitz, parvient à s'enfuir et alerte son patron. Beitz se rend aussitôt en voiture au Collosseum et obtient de la police la remise en liberté de quelques personnes, des proches parents de ses collaborateurs.

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Les 600 autres prisonniers sont embarqués sur des camions et conduits aux abattoirs de la ville pour y être fusillés. Beitz suit les camions et, à quelques dizaines de mètres du lieu de l'exécution, parvient encore à faire stopper le convoi et à obtenir que la femme de ménage de son bureau, Lorka Altbach, en descende, affirmant qu'il s'agit de sa secrétaire. Mais il ne peut éviter le massacre auquel il assiste impuissant. Josef Gabriel, le responsable des juifs à la Sicherheitspolizei, commande les policiers ivres qui procèdent aux exécutions. Un grand nombre des victimes, seulement blessées par les tueurs, sont enterrées vivantes. Des soldats, des civils, des policiers, des SS, des Ukrainiens et des Polonais assistent également à la boucherie. Sans intervenir.
La secrétaire de Berthold Beitz, Hilde Berger-Olsen, a raconté plus tard que celui-ci rentra au bureau pâle comme la mort, disant qu'un jour, le monde entier apprendrait que de telles choses s'étaient passées et que le peuple allemand tout entier paierait pour ces crimes. Berthold Beitz avait changé de camp. Très forte personnalité et, au physique comme au moral, copie conforme de l'idée que se faisaient les nazis du capitaine d'industrie germanique, il consacra son temps, avec le soutien de sa famille et de ses amis, à sauver des juifs au péril de sa vie. Ce n'était pas par antifascisme, ni un acte de résistance, dit-il par la suite. C'était tout simplement qu'il fallait se comporter comme un être humain. En juillet 1943, Beitz était encore le seul chef d'entreprise des Pétroles des Carpates à n'avoir pas donné un seul juif, donné signifiant la mort. Il géra aussi son groupe d'entreprises de manière à pouvoir y maintenir le plus grand nombre possible de juifs déclarés indispensables à l'industrie de guerre. En 1944, Beitz fut mobilisé dans la Wehrmacht. Ce qui le sauva peut- être de la Gestapo.
 



02/07/2016
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