GARDIENNESDE-CAMPS-SS

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CONDITION DES FEMMES SOUS LE TROISIÈME REICH 1e partie

La condition féminine sous le Troisième Reich se caractérise par une politique visant à cantonner les femmes dans un rôle de mère et d'épouse et de les exclure de tout poste à responsabilité, notamment dans les sphères politiques ou universitaires. Si la politique nazie tranche nettement avec l'évolution émancipatrice de la République de Weimar, elle se distingue également de l'attitude patriarcale et conservatrice de l'Empire allemand. Depuis les réunions publiques électrisant des foules féminines, l'embrigadement des femmes au sein des organisations-satellites du Parti nazi, comme la Bund Deutscher Mädel ou la NS-Frauenschaft, est généralisé afin d'assurer la cohésion de la communauté du peuple.

 

La femme nationale-socialiste modèle ne travaille pas mais elle est responsable de l'éducation de ses enfants et de la tenue de son foyer. Les femmes n'ont droit qu'à une formation limitée, axée sur les tâches ménagères et sont, au fil du temps, écartées de l'enseignement universitaire, des professions médicales ou du parlement. L’intérêt superficiel que porte le national-socialisme à la femme, et l’image mythifiée de l’épouse germanique qu’il véhicule, ne restent néanmoins que le versant d’une propagande discriminatoire qui aboutit à une régression des droits des femmes et à leur cantonnement à la seule mission d’enfanter.

 

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À l'exception de la Reichsführerin Gertrud Scholtz-Klink, aucune femme n'est amenée à occuper de fonctions officielles, mais certaines marquent cependant le régime, de par leur proximité avec Adolf Hitler, comme Magda Goebbels, ou en excellant dans des domaines particuliers, comme la cinéaste Leni Riefenstahl ou l'aviatrice Hanna Reitsch. Si certaines femmes jouent un rôle d'influence au sein du système nazi ou occupent des fonctions au sein du système concentrationnaire, d'autres s'engagent dans la résistance allemande au nazisme et le paient de leur vie, comme Libertas Schulze-Boysen ou Sophie Scholl.

 

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Photographie de propagande nazie : Une mère, ses deux filles et son fils en uniforme des Jeunesses hitlériennes posent pour le magazine SS-Leitheft de février 1943.

 

De l'émancipation à l'éviction

 

Une émancipation sociale certaine mais partiellement politique

 

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Femme allemande secrétaire, en 1938.

 

Sous la République de Weimar, la condition des femmes est l'une des plus avancées d'Europe. La Constitution de Weimar du 19 janvier 1919 proclame leurs droits de vote et d'éligibilité (articles 17 et 22), l'égalité des sexes en matière civique (art. 109), la non-discrimination des fonctionnaires de sexe féminin (art. 128), la protection de la maternité (art.19) et l'égalité des époux dans le mariage (art. 119). Elles sont ainsi les premières citoyennes d’un grand État européen à obtenir le droit de suffrage (il faut attendre 1920 pour que les citoyennes du Royaume-Uni et celles des États-Unis en bénéficient) même si ce suffrage comme la démocratie furent issus de la confusion de la défaite de 1918 et non d’une longue lutte  (elles avaient alors participé à l’effort de guerre allemand pendant la Première Guerre mondiale, occupant une grande variété d’emplois laissés vacants par les hommes partis se battre et participant psychologiquement à la cohésion nationale mais furent vivement critiquées dès la fin du conflit lorsque certaines revendiquèrent le droit de conserver ces emplois. 

 

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Comment pouviez-vous les garder à leurs casseroles, après qu’elles eurent été à Berlin ?) ; certaines féministes, comme Linda Gustava Heymann, si elles saluent cette avancée, ne la considèrent que comme un jalon mineur dans leur combat face à l’oppression millénaire  des hommes. Clara Zetkin, figure de proue du mouvement féministe allemand, est députée au Reichstag de 1920 à 1933 et préside même l'assemblée en qualité de doyenne. Entre 1919 et 1932, on compte au total 112 députées (soit entre 7 et 10 % des élus) et dans les années 1920 on relève entre 400 et 500 femmes élues au niveau local et national (notamment dans les parlements régionaux). L'historienne Anna-Maria Sigmund note : Les slogans des mouvements d’émancipation commençaient à prendre. La classe moyenne, surtout, veillait à l’éducation de ses filles, et percevait l’activité professionnelle comme l’avenir de la femme moderne. Mais Weimar ne constitue pas un grand pas en avant dans la libération des femmes. Celles-ci demeurent sous-représentées dans les Parlements, la maternité est promue comme la fonction sociale des femmes la plus importante, l'avortement reste passible de poursuites (218 du Code pénal), les ouvrières ne connaissent pas de réel progrès économique (pas d'égalité des salaires). Avec l'émergence de la société de consommation, les entreprises et les administrations ont besoin de plus en plus de main d'œuvre ; si le travail devient une voie d'émancipation pour les femmes, elles sont souvent cantonnées à un travail de secrétaire ou de vendeuse et, généralement payées de 10 à 20 % de moins que les hommes, sous divers prétextes, comme leur connaissance des tâches domestiques qui les dédouanerait de certains frais ménagers.  

 

Le NSDAP et les femmes entre 1921 et 1933

 

L'adhésion de femmes nazies

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Annette Kolb 1870-1967

 

Depuis janvier 1921, la doctrine du NSDAP est claire et ne fait pas mystère de sa volonté d'exclure les femmes de la vie politique allemande. Si le Parti nazi décrète qu'aucune femme ne peut être admise à la direction du Parti ni dans le comité administrateur, cela ne l'empêche pas de compter de nombreuses femmes parmi ses membres : elles sont en effet utiles, puisqu’elles versent, comme tous les membres, une cotisation, représentent un électorat qui se laisse séduire sans grand renfort de propagande à leur égard, mais seulement par le charisme de Hitler et l’aspect révolutionnaire de son idéologie. Certaines participent à l’organisation de réunions publiques ou d’œuvres de charité au nom du Parti. Avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, on compte environ 34 000 adhérentes au NSDAP, dont la majorité n’arrive pas avant 1922. Elles sont décrites par l'écrivain Annette Kolb comme une assemblée de vendeuses au chômage ; en effet, elles font surtout partie de la classe moyenne, ont un certain âge et font parfois déjà partie d’organisations féminines. Alfred Krebs, un dirigeant du parti de province avoue : Bien que nos opposants nous aient souvent accusés de ne pas vouloir de femmes en politique, nous ne nous sommes jamais montrés aussi grossiers. Aux premiers jours du nazisme, alors que les femmes étaient parmi nos agitateurs les plus zélés, cela aurait été impensable. Bien que le programme du parti soit radicalement antiféministe, le vote féminin pour le NSDAP reste néanmoins de 50 % inférieur à celui des hommes.

                                                                                                                     

Il y a peu de témoignages de femmes nazies. Le sociologue américain Théodore Abel mena néanmoins au début des années 1930 une étude universitaire où il releva, sur 500 témoignages à la question Pourquoi suis-je devenu nazi ?, le récit de 36 femmes où il note comme point commun qu’elles vivaient pour la plupart en ville, n’avaient pas souffert plus que d'autres ; mais considéraient apparemment que la souffrance et le sacrifice avaient constitué les expériences déterminantes de leur vie (notamment lors de la Grande Guerre), étaient auparavant antisémites ou le sont devenues par persuasion, vouent une admiration totale au Führer, mais pas nécessairement plus que dans les témoignages masculins. Le fait que des femmes rejoignent un parti aussi critique à l’égard de l'émancipation féminine montre que, pour certaines, cela importe peu et que le programme novateur et révolutionnaire du parti les fascinait ; aussi, comme une partie de l’électorat, ces femmes sont attirées par l’idéologie générale du parti (rejet du traité de Versailles, anti-bolchevisme et promesse d'un travail), considèrent que l’exercice du pouvoir tempérera les nazis sur les questions féminines et pensent dans l’absolu Hitler moins radical que ses lieutenants. Pourtant, les premiers membres du NSDAP, incapables d’adopter un mode de vie bourgeois sont surtout galvanisés par l'idée de donner au mouvement le caractère d'une fédération d'hommes, dont les femmes sont donc exclues.

 

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Julius Streicher 1885-1946

 

Aussi, les dirigeants nazis Alfred Rosenberg et Julius Streicher font preuve d’une misogynie insultante, et beaucoup d’autres dirigeants nazis suivent la même voie : au Reichstag, un député nazi lança un jour à une députée SPD louant une politique pacifiste durable en rappelant que son fils était mort lors de la Grande Guerre : C'est tout ce que ces vieilles biques méritent de toute façon ! Lors de marches des nazis dans les rues des villes, des femmes parfois participent, suivant les hommes en chantant, en jupe bleue et blouse brune à col blanc arborant des foulards et des brassards ornés de croix gammées. Un journaliste américain enquêtant en Allemagne écrit, en 1932 : Les femmes ont été les piliers les plus solides de l'hitlérisme, et cela dès le début. Aux réunions, la proportion de femmes est incroyablement forte. Hitler exerce une véritable fascination sur le sexe faible. Cette fascination est d'autant plus surprenante que les nazis veulent enlever le droit de vote aux femmes et les renvoyer dans leurs cuisines. Hitler est donc conscient de l'importance des femmes nazies lors des moments difficiles vécus par le parti ; il déclare ainsi bien plus tard : En sortant de prison seize mois plus tard, je découvris qu'elles avaient maintenu le mouvement en vie. Au lieu de se protéger, elles avaient suivi ce que leur dictait leur cœur et étaient restées à mes côtés. Mais sa position n’est pas dénuée d’ambigüité : il est par exemple dépité, avant de l'accepter, lorsqu’il apprend qu’on a accepté des filles dans les premières années des Jeunesses hitlériennes. Claudia Koonz note aussi : Au milieu des années 1920, plusieurs femmes de la bonne société de Munich introduisent Hitler dans des cercles influents et contribuèrent à combler les trous des caisses du parti. Il profita sans vergogne de ces contacts mais remercia à peine.

 

L'adhésion à une idéologie discriminante

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Joseph Goebbels 1933-1945

 

En réalité, pour comprendre le raisonnement des nazies, il convient de sortir du schéma de pensée selon lequel ces femmes souhaitaient une égalité politique : contrairement par exemple aux militantes du SPD, intégrées dans leur parti au même titre que les hommes depuis 1890, les nazies souhaitent militer hors du champ politique (elles y sont bien entendu également forcées, car ignorées ou rejetées par leurs camarades masculins), et veulent qu’on protège leur propre domaine appelé aussi sphère bien séparée.  Les femmes nazies estimaient avec un certain réalisme qu'elles n'avaient pas le pouvoir d'influencer véritablement les hommes. Alors que les féministes œuvraient pour un monde plus égalitaire, les conservatrices voulaient prolonger la vision d'un passé qui n'avait jamais existé, dans lequel les hommes avaient force et pouvoir sur la vie publique, et où les femmes étaient les gardiennes des valeurs humanistes. Les femmes nazies acceptèrent d'être des militantes de second rang dans le mouvement d’Hitler dans l'espoir de préserver leur domaine des interférences masculines. Dans les autres partis, assimilées mais exclues, les femmes politiques nageaient en plein ambigüité, à la fois accueillies et exclues. Au Parti nazi, les femmes se retrouvaient en quelques sortes en famille, avec un domaine bien démarqué de celui des hommes. Subordonnées aux hommes, c’est alors au mérite qu’elles peuvent se distinguer, en étant les meilleures mères et épouses possibles : la proposition de 1926 de Joseph Goebbels de donner un vote multiple aux élections aux mères de familles et aux bons soldats, n’est pas étrangère à cette réflexion. La femme mythifiée qu'on leur propose d’être rejoint la seule occurrence aux femmes dans le programme du NSDAP établi depuis les années 1920, l’article 21, qui prévoit la protection des mères de familles par les militants nazis. Aussi, la femme soumise que véhicule le NSDAP n'est pas si différente de celle véhiculée par l'Église vis-à-vis de Dieu ; les femmes nazies et chrétiennes ne changent ainsi pas tant de schéma de pensée, comme il est pourtant courant de croire avec la parenthèse d’émancipation politique de Weimar. Dans leur cercle, elles préparant des repas, cousent des vêtements, font de petits séminaires de formation politique sur des thèmes développés dans Mein Kampf, organisent des cotisations, collent des affiches et préparent des invitations : Tout cela propageait l'image de la communauté unie promise par le nazisme. Elles auraient fait n'importe quoi, et croyaient profondément que tout, même les travaux les plus insignifiants, avait son importance. Dans les débuts du mouvement, elles sont souvent conspuées par la population allemande : Les femmes qui portaient un brassard rouge risquaient alors dans les rues de leurs villes des injures du genre putain d’Hitler, oies brunes ou truies nazies; elles se prennent alors parfois comme les premiers chrétiens des catacombes mais cela renforce au contraire leur détermination.

 

Les femmes nazies et la politique

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La doctrine nationale-socialiste met en avant le rôle de l'homme allemand, insistant sur ses qualités au combat et la fraternité qu'il a entretenir avec ses compatriotes masculins. Le théoricien nazi Alfred Rosenberg précise ainsi cette vision : Il faut pourtant qu’une chose soit claire : c’est l’homme qui doit être et rester juge, soldat et dirigeant de l’État. Alors que la plupart des autres partis de la République de Weimar présentent des candidates aux élections et en font élire, le NSDAP s'y refuse : on compte ainsi des députées communistes, socialistes, catholiques et parfois nationalistes, mais aucune nationale-socialiste. Hitler résume en quelques phrases la situation : En 1924, les femmes politiques sont apparues chez moi : Mme von Treuenfels, Mme von Kemnitz épouse Ludendorff, elles voulaient devenir membres du Reichstag ! C’est complètement insupportable quand il s’agit d’affaires militaires ! Une femme ne devrait même pas avoir le plus petit poste dans un groupe local du parti, je dis que 99 % des objets de délibération sont des affaires d'hommes qu’elles ne sont pas capables de juger. Au départ, ces slogans anti-féministes nazis provoquent néanmoins un tollé dans l’opinion, comme L’homme et la femme sont depuis l'origine du monde des êtres différents, avec des fonctions tout aussi différentes ou L'univers de la femme est petit comparé à celui de l'homme  et font même un temps débat à la tête du parti, ce qui amène un certain revirement dans les éléments de langage des ténors nazis, Joseph Goebbels notant ainsi dans son journal, le 23 mars 1932 : Le Führer met au point de toutes nouvelles idées sur la place de la femme. Elles sont d’une importance éminente pour la prochaine bataille électorale, car c’est justement sur ce terrain là que nous avons été attaqués lors de la première élection. La femme est la compagne de l'homme pour le sexe et le travail. Elle l’a toujours été et le restera. Elle doit l’être même dans la situation économique actuelle. Autrefois aux champs, aujourd’hui au bureau. L'homme est l’organisation de la vie, la femme son soutien et son organe d’exécution ! Cette conception est moderne et nous élève au-dessus de tout ressentiment populaire allemand. En 1933, Joseph Goebbels justifie cette position en expliquant qu'il faut laisser à l'homme ce qui appartient à l'homme. On passe ainsi d'une situation où 37 députés sur 577 députés sont des femmes à aucune, après les élections législatives de novembre 1933. Néanmoins, si d’autres élections législatives (certes bloquées) ont lieu après l’instauration du régime nazi (en mars 1933, novembre 1933, 1936 et 1938), les femmes conservent leur droit de vote.

 

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Elsbeth Zander 1888-1963

 

Même si en 1934, le Führerlexikon, qui recense un grand nombre de responsables obscurs, aucune femme n’est mentionnée. Pourtant, depuis les années 1920, des femmes ambitieuses, à leur niveau, émergent durant cette période avec leur style, leurs objectifs et leurs partisans. On peut noter l’exemple d’Elsbeth Zander, qui mène une double croisade pour la maternité et Hitler, pour la nation et contre le bolchevisme, auprès des couches populaires de la population féminine allemande. Elle crée des maisons de repos pour les SA, publie un journal (Service et Sacrifice de la femme allemand, Opferdienst der deutsche Frau) et fonde l’Ordre de la Swastika rouge, une organisation affiliée au NSDAP, auprès duquel elle parvient à assurer au départ une sorte de représentation des femmes nazies. 

 

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Elle est fondamentalement opposée aux femmes bourgeoises et de salon. Le nombre d’adhérentes varie de 13 000 selon elle à 4 000 selon les forces de l’ordre. Alors que Zander donne une contenance à ces femmes issues de milieux côtés, de son côté, la pédagogue Guida Diehl créé un cercle de femmes issues de la bourgeoisie conservatrice protestante. Issue elle-même d'une famille nationaliste et antisémite, elle fonde une ligue de femmes, contre le matérialisme américain et le mammonisme. Elle fédère autour d’elle diverses personnalités, comme l’écrivain Marie Diers, les députées Margarete Behm et Clara Mende, la femme politique Käthe Schirmacher, Elisaneth Spohr, et l’éducatrice Martha Voss Zietz, ainsi que quelques hommes. Elle arrive par exemple à rallier des femmes de l’aile droite de la Bund Deutscher Frauenvereine. La séparation des sexes est pour elle naturelle, issue de la religion. Elle n’adhère pourtant elle-même au NSDAP qu’assez tard. Son organisation compte, selon elle, 200 000 membres. Elle propose un salaire pour les mères au foyer et suit la logique de la sphère privée en proposant de créer, parallèlement au Reichstag, un parlement national fonctionnant sur le même principe mais uniquement composé de femmes ; elles s’occuperaient des affaires de leurs domaines (éducation, social, santé, famille, moralité) et les hommes des leurs (diplomatie, armée, économie). Zander et Diehl représentent ainsi deux tendances totalement opposées des adhérentes au national-socialisme, dirigeant des groupes non affiliés directement au NSDAP mais militant pour. Le parti les tolère dans la mesure où leurs déclarations ne rentrent pas en opposition avec la ligne officielle. Les deux dirigeantes ne se croisèrent jamais et ces groupes demeurèrent donc surtout un vivier d’électrices et de militantes.

 

La femme moderne qui travaille est même décriée par des Allemands de tout niveau, allant de sociologues réputés aux ouvriers : en effet, même les couches populaires de diverses obédiences politiques rejoignent les nationaux-socialistes sur leur conservatisme au niveau des mœurs (des rumeurs courent sur le fait que certaines lancent des grèves de naissance) et le rejet de l’emploi féminin, lequel est selon eux responsable du chômage masculin. En réalité, elles subissent comme les hommes le chômage. Mis à part le Parti communiste, tous les partis politiques et plusieurs organisations de femmes conservatrices défendent l’idée que la famille est la cellule originelle de la nation, et que de ce fait, les femmes doivent privilégier leur rôle maternel. Des mesures sont alors prises par la République, comme l’interdiction aux femmes mariées d’entrer dans la fonction publique, ce qui contrevenait néanmoins à la Constitution ou l’obligation pour les femmes de prouver leur indigence pour toucher des allocations chômages alors que ce droit était inaliénable pour les hommes. Concomitamment, l’influence des organisations féminines traditionnelles baissait depuis 1919, alors que de nombreux membres préféraient par ailleurs les quitter, certaines pour rejoindre des associations anti-féministes opposées à l’idée d’une femme moderne qu’elles jugent dévoyée afin de défendre la famille.

 

Début du régime national-socialiste

 Une idéologie discriminatoire

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L'arrivée au pouvoir du chancelier Adolf Hitler marque la fin de nombreux droits des femmes, même si le NSDAP doit une partie de ses succès électoraux au vote féminin et que Hitler réussit en partie son ascension sociale grâce à la protection de femmes influentes : la fréquentation de milieux mondains et de femmes du monde (comme la princesse Elsa Bruckmann, épouse de l'éditeur Hugo Bruckmann qui présenta Hitler à tous ceux qui détenaient un rang, un nom ou de l'influence en Allemagne, notamment Emil Kirdorf ; ou Helene Bechstein, femme de l'industriel Edwin Bechstein qui lui offre une Mercedes à 26 000 mark et l’aide à acquérir la villa Wachenfeld sur l’Obersalzberg) permet au départ au NSDAP d'obtenir certains financements, comme celui apporté par Gertrud von Seidlitz qui lui fait don en 1923 de 30 000 mark or.

 

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Le ministre de la Propagande Joseph Goebbels à l'ouverture de l'exposition Die Frau, Frauenleben und wirken in Familie, Haus und Beruf  (La femme, la vie de la femme, son rôle en famille, à la maison et au travail), sur le Kaiserdamm, le 18 mars 1933.

 

Dans ses Mémoires, le photographe officiel du régime, Heinrich Hoffmann, note que ces femmes étaient les meilleures propagandistes du parti ; elles convainquaient leurs maris de s’allier à Hitler, sacrifiaient leur temps libre à leur enthousiasme politique se consacraient sans compter à la cause des intérêts du parti. Hitler est même critiqué au sein du parti par sa fréquentation des dîners et salons mondains ainsi que certaines activités assez éloignées de l'image qu’on se faisait de lui, comme par exemple ses randonnées avec la baronne Lily von Abegg, qui offrit néanmoins au parti de nombreux objets d’art ainsi que sa maison. Il bénéficie également d’une aura populaire auprès des femmes : Le 3 avril 1923, le journal SPD Münchner Post évoqua les femmes entichées de Hitler et dressa un portrait sarcastique des nombreuses protectrices et admiratrices qui écoutaient ses discours avec des yeux humides d’extase, mettaient leurs bijoux en gage et lui accordaient des prêts. Leur importance n’est pas relative, car certaines exercent une influence extrêmement importante sur la carrière de leurs époux (comme Mathilde Ludendorff sur le général Erich Ludendorff), et d’autres sont les seules entremetteuses entre le jeune homme politique et les milieux d’affaires : Viktoria von Dirksen permet ainsi à son époux de faire ses premiers discours, en 1922, au Berliner National Club et de fréquenter son salon où circulent de nombreux diplomates, aristocrates et industriels.

 

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En 1935, lors d'un discours au congrès des femmes nationales-socialistes, il déclare à propos des droits des femmes, en réalité, l’octroi de soi-disant droits égaux aux femmes, exigés par le marxisme, ne confère pas de droits égaux du tout, mais constitue une privation de ces droits, puisqu’il attire la femme dans une zone où elle ne peut être qu’inférieure. Il place la femme dans des situations qui ne peuvent renforcer sa position  vis-à-vis des hommes et de la société  mais uniquement l’affaiblir : en ce sens, le régime ne professe pas qu'il faut enlever des droits aux femmes mais au contraire les revaloriser en les redirigeant vers ceux de l'épouse et surtout de la mère, sa dignité essentielle selon Goebbels. Le fait que Hitler ne soit pas marié et qu'il représente un idéal masculin pour nombre d'Allemandes participe à un phénomène d'érotisation du chef. Dès avril 1923, un article du Munchener Post souligne que les femmes sont éprises d’Hitler ; celui-ci adapte ses discours au goût des femmes qui, depuis le début, comptent parmi ses plus fervents admirateurs.

 

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Heinrich Himmler 1900-1945

 

Le retrait forcé des femmes de la vie publique, dans une société qui commençait à les considérer comme égales aux hommes, permet d'enrayer, pour les nationaux-socialistes, la décadence de la République de Weimar. En effet, à leurs yeux, ce régime paraissait aussi enjuivé qu'efféminé (l’émancipation féminine est vue comme la résultante d’une influence juive, tolérant peu ou prou la métropole homosexuelle qu'étant devenue Berlin, véritable antithèse de la virilité aryenne. Heinrich Himmler déclare ainsi aux SS-Gruppenführer, le 18 février 1937 : Dans l'ensemble, nous avons selon moi beaucoup trop masculinisé notre vie, au point que nous militarisons des choses impossibles. Pour moi, c'est une catastrophe que des organisations de femmes, des communautés et des sociétés de femmes interviennent dans un domaine qui détruit tout le charme féminin, toute la majesté et la grâce féminine. Pour moi, c'est une catastrophe que nous autres pauvres fous d'hommes - je parle en général, car cela ne vous concerne pas directement, voulions faire des femmes un instrument de pensée logique, les éduquer en tout ce qui est possible, que nous voulions tant les masculiniser qu'avec le temps la différence entre les sexes, la polarité disparaîtra. La voie vers l'homosexualité n'est pas loin. Nous devons être très clairs. Le mouvement, l'idéologie ne peuvent perdurer que s'ils sont portés par les femmes, car l'homme conçoit tout par l'esprit tandis que la femme saisit toute chose par le sentiment. Les curés ont brûlé 5 000 à 6 000 femmes pour sorcellerie, justement parce qu'elles préservaient émotionnellement l'ancien savoir et les anciens enseignements, et parce que, émotionnellement, elles ne s'en laissaient pas détacher, alors que l'homme, lui, s'y était rationnellement et logiquement disposé.

 

Officiellement, le statut des femmes passe d'une égalité de droit à une équivalence  entre hommes et femmes. L'historien Pierre Ayçoberry souligne que cette offensive offrait le double avantage de plaire à leurs collègues masculins inquiets de cette concurrence, et de renvoyer dans la vie privée plus de 100 000 personnes fières de leur réussite, donc en majorité émancipées et politiquement à gauche. Cette politique suscite l'inquiétude de militantes du NSDAP, qui craignent que ces mesures nuisent aux nombre de femmes diplômées, vivier nécessaire aux futures cadres du parti.

 

Il est difficile de comprendre des décennies plus tard pourquoi des femmes ont adhéré à un système qui restreignait leurs pouvoirs de citoyennes. Cela est à replacer dans le contexte de l'époque, beaucoup de femmes ne considérant pas le droit de vote ou l’élection comme une avancée sociale majeure pour elles.  La liberté toute neuve que certaines accueillirent avec joie effraya les autres. Les femmes qui se conformaient à leur rôle traditionnel de mère voulaient être reconnues comme telles. Elles se considéraient comme une espèce en voie de disparition que seul un patriarcat viril serait en mesure de sauvegarder. Elles demandaient le droit de se retirer d’un monde qu’elles percevaient comme chaotique et dangereux pour se réfugier dans la sécurité du foyer familial. Un gouvernement autoritaire, espéraient-elles, apporterait ordre et santé à la nation, et rapprocherait les pères de leurs familles. Certaines, depuis les années 1920 rêvaient en fait d’organiser le monde en un vaste espace féminin, placé bien sûr sous la garde des hommes, mais hors d’atteinte des prélats et des politiciens, un monde de femmes aux foyers, un espace social voire un espace vital (l’expression précède alors son utilisation ultérieure par Hitler) dans lequel elles pourraient se retrouver entre elles sur des sujets et des préoccupations qui les concernent. Pourtant, après plusieurs réformes et mesures politiques (programme nataliste de la SS, législation sur le divorce), beaucoup de femmes nazies se sentirent trahies.

 

Une éviction très rapide

En 1933, les programmes scolaires pour les filles sont modifiés, notamment afin de les dissuader de poursuivre leurs études à l'université : on remplace ainsi les cinq années de classes de latin et les trois de sciences par des cours de langue et d'enseignement ménager. Cela ne porte pas ses fruits : d'une part, un nombre important de filles s'inscrit dans des lycées de garçons, de l'autre, le numerus clausus universitaire de 10 % (instauré par la loi du 25 avril 1933, prévoyant également seulement 1,5 % d’étudiants juifs) n'est généralement pas respecté : ainsi, ces mesures ne font passer le nombre d'étudiantes en médecine que de 20 à 17 %. Toujours en 1933, l’État accorde un prêt aux citoyens allemands dont l’épouse abandonne son travail.

 

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Les associations de femmes, notamment si elles regroupent des communistes ou des socialistes, sont interdites; leurs membres sont arrêtés voire assassinées dans des cas plus rares. Toute association est priée d'exclure ses membres juifs, ce qu'actent l'Union des femmes protestantes, l'Association des ménagères et des campagnardes, l'Union des femmes de la société coloniale allemande et l'Union de la Reine Louise. Mais rapidement, la majorité des associations sont dissoutes ou choisissent elles-mêmes de disparaître, comme la BDF (Bund Deutscher Frauenverein), fondée en 1894 et qui se dissout en 1933 pour éviter sa mise au pas. Une seule association féminine perdurera sous le régime (l'association de Gertrud Bäumer, Die Frau, ou La Femme), jusqu'en 1944, mais placée sous la tutelle du ministère du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande. Rudolf Hess fonde le Deutsches Frauenwerk qui, avec la branche féminine du parti nazi (NS-Frauenschaft), à vocation à devenir une organisation de masse du régime.

 

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En 1936, une loi est promulguée et interdit certaines hautes fonctions aux femmes dans la magistrature (juge et procureur notamment, Hitler intervenant personnellement) et le corps médical (les femmes médecins ne peuvent plus exercer, jusqu'à ce que leur défection soit préjudiciable aux besoins sanitaires et qu'on en rappelle certaines ; on dissout en outre l'Association des femmes médecins, en l'intégrant dans son pendant masculin). Sous la République de Weimar, seulement 1 % des chaires universitaires étaient occupées par des femmes. Le 8 juin 1937, un décret stipule que seuls les hommes peuvent être nommés à ces chaires, si ce n'est dans le domaine social. Néanmoins, le 21 février 1938, à titre individuel et exceptionnel à la suite du lobbying de Gertrud Scholtz-Klink, une scientifique, Margarete Gussow obtient une chaire d'astronomie. La mathématicienne Ruth Moufang peut passer son doctorat, mais n'obtient pas le droit d'enseigner et doit de ce fait travaillé pour l'industrie nationale. Emmy Noether, également mathématicienne, est renvoyée en vertu de la loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933, pour avoir milité dans les années 1920 à l'USPD et auSPD. La physicienne Lise Meitner, qui dirige le département de physique de la Société Kaiser-Wilhelm peut rester jusqu'en 1938, mais ceci seulement en vertu de sa nationalité autrichienne (qui prend fin avec l'Anschluss) ; elle part donc pour les Pays-Bas puis la Suède. En définitive, dans le domaine scientifique, il n'y aura presque pas de nominations féminines ; en1942, on refusera à une femme de diriger un institut scientifique, bien qu'aucune candidature masculine ne convienne. L'éviction des femmes de la vie politique est complète : elles ne peuvent également plus siéger au Reichstag, dans les Parlements régionaux et les conseils municipaux.

 

Il n'y a pas de réelle résistance à cette mise au pas, les associations féminines bourgeoises pensant comme une grande partie de la population que le gouvernement national-socialiste ne sera qu'éphémère et qu'elles pourront malgré tout faire valoir leur influence, l'historienne Claudia Koonz mettant en avant ce proverbe populaire à l'époque que la soupe ne se mangera pas aussi chaude qu'on l'a cuisinée, et qu'elles arriveront en définitive à obtenir des aménagements acceptables. Les femmes traditionnellement opposées au national-socialisme, elles, ne peuvent pas envisager cela et sont donc conduites à émigrer ou à être, comme les opposants masculins, arrêtées.

 

Le revirement partiel de 1936

Constatant le besoin de femmes dans certaines professions et leur utilité dans l'économie du pays, la politique anti-émancipatrice sur le plan du travail s'émousse rapidement. Les femmes sont d'ailleurs invitées à adhérer au NSDAP et confortées dans l'idée qu'elles pouvaient être mère et salariée, Joseph Goebbels même s'en prenant aux campagnes de propagande anti-rouge à lèvre et le Völkischer Beobachter s'en prenant aux idéologues les plus zélés.

Ainsi, à partir de 1936, les femmes sont encouragées à conserver leur emploi. Même, leur part augmente. On compte 36 % de femmes salariées actives en 1933, et 53 % en 1944. Dans l’industrie, alors que 1,2 million de femmes travaillent en 1933, on en relève 1,5 million en 1936. En 1939, il y a 35 % d’agricultrices et 10 % de femmes domestiques. Cette dynamique augmente pendant la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle 2,5 millions de femmes sont enrôlées dans l’industrie et l’agriculture allemandes. Néanmoins, elles occupent toujours des postes de main d’œuvre, parmi les plus bas de l’échelle salariale : il ne s’agit dès lors pas d’une nouvelle émancipation, cette situation n’étant que provisoire, le régime pariant sur un horizon post-guerre où la paix et les progrès technologiques pourront écarter définitivement les femmes du domaine du travail.

 

L'idéal féminin national-socialiste

Une nouvelle  femme ?

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Le diplôme de la croix d'honneur de la mère allemande.

 

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La femme nationale-socialiste doit se conformer à la société allemande voulue par Adolf Hitler (la Volksgemeinschaft), racialement pure et physiquement robuste. Elle ne travaille pas, vit dans le culte de la maternité et suit l'adage de l'ancien empereur Guillaume II Kinder, Küche, Kirche, soit Les enfants, la cuisine et l'église ; selon Joachim Fest, elle mêle bizarrement le type de la paysanne frisonne à certains traits de la reine Louise de Prusse. Dans un texte publié en mai 1934. Les neuf commandements de la lutte ouvrière, Hermann Göring résume sans ambages le rôle futur de la femme allemande : Prends une poêle, un ramasse-poussière et un balai et épouse un homme. Il s'agit d'un anti-féminisme dans le sens où les nazis considèrent que les droits politiques octroyés aux femmes (accès à de hautes fonctions par exemple) ne sont pas compatibles avec sa nature de génitrice, seul rôle dans lequel elle peut s'épanouir et servir au mieux l'intérêt de sa nation.

 

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Statues de corps féminins idéaux dans les rues de Berlin, montées à l'occasion des Jeux olympiques de 1936.

 

Ainsi, Magda Goebbels déclare en 1933 : Les femmes allemandes ont été exclues de trois professions : l’armée, comme partout dans le monde ; le gouvernement ; et la magistrature. Si la fille allemande doit choisir entre mariage ou carrière, elle sera toujours encouragée à se marier, car c’est ce qu’il y a de mieux pour une femme. Il n'est pas possible de faire un raccourci mental avec les sociétés conservatrices et patriarcales qui prévalaient par exemple sous le Deuxième Empire : en effet, le caractère totalitaire du régime éloigne la conception faite des femmes d'une mise à l’écart de la société. 

 

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Leni Riefenstahl

 

Au contraire, celles-ci doivent y participer au premier plan en tenant le rôle de mère et d'épouse : Nathalie de Voghelae note que le nazisme considère la femme comme la mère du peuple. Le fait que l'embrigadement des femmes (Bund Deutscher Mädel puis Frauenschaft) soit si organisé, ne permet pas de reléguer les femmes à ce qu'elles pouvaient être au XIXe siècle. Sans doute, un électorat conservateur et une frange de la population très critique vis-à-vis de l'image de la femme émancipée des années 1920 trouvera dans le nouveau régime une certaine satisfaction. Mais les buts sont différents, et on demande à chaque femme de prendre part dans la construction du Reich de 1000 ans. La liberté féminine s'en trouve dès lors nécessairement réduite, et Heide Schlüpmann a dès lors raison de dire dans Frauen und Film, que les films de Leni Riefenstahl (la réalisatrice officielle du régime) valorisent une telle négation de la sexualité féminine et ne proposent en fait aux femmes que l'image d'une autonomie trompeuse.

 

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Joachim Clemens Fest 1926-2006

 

Comme Joachim Fest, l'historienne Anna-Maria Sigmund note néanmoins que l’État nazi n’a jamais développé une idéologie propre à la femme [du moins elle est très imprécise, voire contradictoire. L’image de la femme allemande est quasiment née d’elle-même à partir de la vision nationale-socialiste du monde et de ses objectifs de politique de force. L’idéal proclamé de la femme comme gardienne de la race, de la vertu domestique et des mœurs masquait des objectifs prosaïques : la suppression du chômage, l’augmentation de la population pour la guerre et la colonisation à l’Est. Ainsi, la description de la femme allemande idéale reste très vague, comme en témoigne ce passage de L'ABC du national-socialisme publié en 1936 : Nous voulons avoir de nouveau des femmes, pas des jouets ornés de bagatelles. La femme allemande est un vin noble. Si elle aime, la terre fleurit. La femme allemande est l’éclat du soleil devant le fourneau de la patrie. Il vous faut rester vénérable, et non pas être objets d’envie et de jeu de races étrangères. Le peuple doit rester pur et propre, c’est l’objectif le plus élevé du Führer. Joachim Fest ajoute que derrière l'héroïsme masculin appuyé sur une figure féminine idéalisée cache les vidées pratiques d'un régime qui voyait dans le mariage une association productive et classait les femmes suivant leur capacité d'enfantement, femmes opposées à la femme émancipée de la République de Weimar qui selon les Nazis se détournait de son rôle de mère. En réalité, la République de Weimar avait, malgré toutes les disparités sociales et discriminatoires qui subsistaient néanmoins, réellement émancipé la femme allemande. Anna-Maria Sigmund notant ainsi que la femme politisante n’était pas un simple phénomène d’après guerre, ainsi que le pensaient les nationaux-socialistes. Les femmes étaient actives dans toutes les professions, selon l’exemple forgé par la classe supérieure mondaine des années 1920.

 

Interdictions et obligations

Le port de maquillage est généralement prohibé, voire interdit et une certaine pudeur est demandée aux femmes, contrastant avec la période de la République de Weimar, plus libérée au niveau des mœurs : ces mesures, si elles ne sont pas interdites visent à stigmatiser la dame de la ville, c'est-à-dire la femme qui fume, se met du rouge à lèvres, du vernis à ongles et porte des talons hauts. Dès 1933, les réunions au NSBO (National Sozialistischer Betriebs Obman, la section féminine du Front allemand du travail) proclament que les femmes peinturlurées et poudrées seront interdites à toute réunion du NSBO. Les femmes qui fument en public dans les hôtels, dans les cafés, dans la rue et ainsi de suite seront exclues du NSBO ; cela est également valable dans des lieux publics de certaines villes, à la suite d'arrêts préfectoraux. Dans L'ABC du national-socialisme, Curt Rosen note que les hommes allemands veulent de nouveau, et avec raison, avoir des femmes allemandes. Pas de jouets frivoles, uniquement soucieux de plaisir, occupés de chiffons et de fanfreluches, et semblables à une coupe brillante dont l'intérieur est vide et creux. Nos adversaires ont essayé de mettre les femmes au service de leurs objectifs ténébreux, en leur peignant la frivolité sous les couleurs les plus brillantes et qualifiant d'esclavage leur vocation naturelle. Des activités plus ou moins classiques sont au contraire recommandées : musique, travaux manuels, gymnastique, etc.

La sexualité est mise au ban, sinon dans un but reproductif ; les filles libérées sont considérées comme dépravées et asociales. Les mères sont encouragées à faire des enfants : une moyenne de quatre enfants par foyers est demandée (deux pour le renouvellement de la génération, un pour la guerre et un en plus). Est créée la Ehrenkreuz der deutschen Mutter (en français : croix d'honneur de la mère allemande) aux mères ayant mis au monde plus de quatre enfants. Une Journée de la Mère allemande est également créée le 12 août (jour anniversaire de la naissance de la mère de notre Führer) ; à celle de 1939, trois millions de mères sont décorées. La loi d'encouragement au mariage du 5 juillet 1933, révisée le 21 février 1935, y participe, en octroyant des prêts et supprimant une partie des dettes des familles; une autre loi oblige ultérieurement les femmes fonctionnaires à devoir être mariées. Concernant l'avortement, l'accès à ces services est rapidement interdit, jusqu'à ce qu'en 1935, on oblige le corps médical à indiquer les fausses-couches au Bureau régional de la Santé d’État, qui ultérieurement enquêtera sur le naturel de la perte de l'enfant ; en 1943 est promulguée le loi Protection du mariage, de la famille et de la maternité par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, qui va jusqu'à prévoir la peine de mort pour les mères infanticides. L'ordonnance relative aux fiançailles et au mariage des membres de la SS du 31 décembre 1931 permet à Himmler d'exercer un contrôle sur les partenaires choisis par ses troupes, tandis que la création de l’Office des questions raciales et de colonisation donnait au Troisième Reich un instrument efficace pour l'élevage scientifique de la population allemande.

 

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Infirmière dans un établissement du Lebensborn (1943).

 

L’Allemagne compte environ deux millions de femmes de plus que d'hommes, ce qui amène l’État nazi à promouvoir le mariage, non pas pour des considérations morales mais parce qu’il participe à la politique générale de natalité. Les membres de la SS, qui constituent les canons physiques voulus par le régime doivent à partir d'une ordonnance de 1932, dite du Lebensborn, être parents d'au moins quatre enfants ; une ordonnance datée du 28 octobre 1939 pour l'ensemble de la SS et de la police vise à encourager la procréation, surtout celle d'enfants illégitimes. Des femmes sont mêmes enlevées et parquées de force dans des instituts pour procréer. Joachim Fest parle à cet égard de véritable bordel d'État. Mais cette politique ne porte pas véritablement ses fruits, et c'est plus la politique nataliste de l'État pour tout le peuple (soutien financier à chaque nouvel enfant, décorations, forte pénalisation de l'avortement). À l’inverse, une typologie établie interdit à certaines franges de la population, sur des bases raciales ou médicales, d’enfanter.

 

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Celle qui est encouragée à avoir des enfants. 

 

Celle dont on peut tolérer qu’elle ait. 

 

Celle qui ferait mieux de ne pas avoir. 

 

Celle qu’il faut empêcher d’enfanter. 

 

Les effets de la politique nataliste prônée par le régime sont contrastés : elle est globalement peu fructueuse. Malgré tout, on compte deux baby-boom résultant de mesures juridiques : en 1939 après une loi qui interdit aux femmes enceintes de travailler, et en 1943 après une autre autorisant celles-ci à être dispensées du travail volontaire. Un projet de loi pour l'après guerre est mis en place par Heinrich Himmler et Martin Bormann, visant à accorder un second mariage aux titulaires de la croix d'or allemande et aux chevaliers de la croix de fer, (puis à ceux) de la croix de fer de première classe et à ceux de la décoration pour batailles au corps à corps, or ou argent, tout cela influencé par une conception romantique de l'Histoire, donnant au plus méritant la plus belle des femmes. On réfléchit également à autoriser le divorce aux couples sans enfants après cinq années de mariage et en définitive, à bannir l'idée selon laquelle les enfants illégitimes sont une mauvaise chose, notamment en interdisant d'opposer dans les œuvres artistiques l'épouse et la maîtresse.

 

 

 

Canons physiques et psychologiques

 

Physiquement, le Troisième Reich promeut des canons de beauté dits aryens : des femmes blondes, belles, grandes, sveltes et robustes à la fois cultivant également un désir de soumission et de dévouement joint au désintéressement personnel et aux manifestations exacerbées d'une foi hystérique ; violence brutale des préjugés ; aptitude à intégrer sans embarras les éléments contradictoires de l'idéologie choisie, à canoniser des absurdités ou s'abandonner avec délices aux rêveries romantiques les plus fumeuses. Cette image est diffusée autant à travers la publicité que l'art officiel, puisant dans l'art antique, et plus spécifiquement dans les statues gréco-romaines. L'universitaire Monique Moser-Verrey note ainsi qu'on ravive, au cours des années trente, des thèmes mythologiques tels le jugement de Pâris, le rapt d'Europe et les amours de Léda. La femme moderne type de la République de Weimar est critiquée, dans la lignée de tous les responsables du déclin de l’Allemagne selon les nationaux-socialistes : juifs, communistes.

 

Monique Moser-Verrey note cependant : Il est pourtant frappant de constater que l'image des femmes projetée par la littérature féminine des années trente est très clairement contraire aux visions traditionnelles de la douce épouse au foyer propagées par Rosenberg et Goebbels. Les héroïnes des romans féminins de cette époque représentent souvent le type de la femme forte et tenace, tandis que les fils et les maris sont rapidement livrés à la mort. Tout se passe comme si l'on apercevait à travers ces fictions un véritable antagonisme entre les sexes généré par la mobilisation constante de ces deux groupes indépendamment l'un de l'autre.

 

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Le cinéma de la période véhicule peu de figures féminines de premier plan ; néanmoins on relève un certain nombre de documentaires instructifs réalisés pour les BDM. Parmi les actrices les plus exposées, on peut citer Lil Dagover, Margot Hielscher, Brigitte Horney, Zarah Leander et Kristina Söderbaum. La presse féminine participe à véhiculer leur image, comme le magazine Die Frau. La Femme, qui paraît jusqu’en 1944 ou le magazine du Frauenschaft, auquel sont alors abonnées plus d'un million de femmes.

 




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