LES ACCORDS DE MUNICH
La paix à tout prix
La Tchécoslovaquie est rayée de la carte.
De concessions en concessions de la part des nations occidentales, d'exigences en exigences du côté allemand, on en vint après les sois-disants accords de Munich de septembre 1938 à ce que souhaitait Hitler : l'annexion déguisée de la Tchécoslovaquie.
Officiellement ce pays cessa d'exister le 15 mars 1939.
Mr Neville Chamberlain exprima son désappointement et sa consternation, mais n'alla pas pluis loin.
La France et l'Angleterre émirent chacune une protestation, Ribbentrop refusa de les recevoir.
D'ailleurs quelle importance, puisque la Tchécoslovaquie n'existait plus.
La Tchécoslovaquie. Une démocratie modèle
On ne fit rien pour venir en aide à la Tchécoslovaquie
En 1918, la Tchécoslovaquie avait été taillée tant bien que mal dans les provinces du nord de l'ancien empire austro-hongrois. Il était facile, pour ceux qui le désiraient, de se persuader qu'en 1938 la Tchécoslovaquie représentait un fait politique aussi désuet que l'avait été l'Autriche-Hongrie au début de ce siècle. C'était faux. Grâce, en effet, à l'admirable mise en valeur des ressources sociales et économiques dont ils disposaient, les Tchèques avaient, dans un laps de temps très court, construit une démocratie modèle dont la souveraineté appartenait au peuple et qui était gouvernée par un Parlement composé de deux Chambres. Un des résultats de cette organisation et de l'esprit d'entreprise du peuple tchèque apparaissait dans les structures industrielles et commerciales d'où étaient sorties des réalisations sociales qui suscitaient l'admiration de l'Europe entière.
Le noyau de la population comprenait 10 millions de Tchèques et de Slovaques, mais dans la partie ouest du pays vivaient un peu plus de 3 millions d'Allemands qui avaient reçu la nationalité tchèque au moment du tracé des nouvelles frontières. Enfin, à l'est habitaient 800 000 Magyars et 500 000 Ukrainiens, ainsi que 60 000 Polonais regroupés dans la région industrielle et minière de Teschen. Ces minorités constituaient une source latente de troubles. Hitler réclamait non seulement une revision du tracé de ses frontières orientales, en prévision d'une plus grande expansion vers l'est, mais également l'élimination de tout système de gouvernement qui pût rivaliser avec le sien.
Konrad Henlein 1898-1945
En 1934, un parti autonomiste s'était formé, au sein de la minorité allemande, sous la direction de Konrad Henlein. Il allait devenir, l'année suivante, le parti allemand des Sudètes. Deux ans plus tard, toujours sous la conduite de Henlein, et encouragé et financé ouvertement par Hitler, il réclamait le droit de former un Etat national-socialiste autonome à l'intérieur même des frontières de la Tchécoslovaquie ! Après l'Anschluss, cette requête reposa sur une force visible et une menace précise, car l'annexion de l'Autriche avait découvert tout le flanc méridional de la région des Sudètes, la rendant ainsi vulnérable à une éventuelle attaque allemande (ou à un soutien, selon le point de vue.
Churchill ne fut pas le seul, à l'époque, à prévoir le prochain objectif du programme de Hitler. Deux jours après l'occupation de l'Autriche par les Allemands, des représentants de la Russie soviétique avaient pris contact avec le gouvernement français pour étudier les mesures destinées à assurer l'indépendance de la Tchécoslovaquie. La Russie se déclarait prête à se porter à l'aide des Tchèques si la France agissait de même. Mais cette dernière tenait à savoir quelle serait la position de l'Angleterre si elle entrait en guerre. Certes, les Russes se déclaraient décidés à agir, mais les Français étaient déconcertés par cette situation. Finalement, c'est l'attitude de la Grande-Bretagne qui devait être le facteur déterminant.
Edward Frederick Edvard Beneš 1884-1948
Lindley Wood 1881-1959
Seulement, les Anglais ne souhaitaient pas se lancer dans un conflit et certainement pas pour la cause d'un pays dont la plupart d'entre eux ne connaissaient que le nom barbare et ce fut avec un grand soulagement qu'ils accueillirent les pronostics apaisants de leurs dirigeants. Ceux-ci conseillaient la prudence et la modération. Ils reflétaient ainsi le profond désir de paix de M. Chamberlain, et aussi ce que les Anglais, en général, ignoraient, les profonds sentiments religieux de lord Halifax, qui considérait la Russie comme l'Antéchrist.
On ne fit rien pour venir en aide à la Tchécoslovaquie et les avances de la Russie furent repoussées avec une rudesse dont les Britanniques n'usèrent jamais dans leurs rapports avec l'Allemagne nazie.
Pendant tout l'été de 1938, le Dr Benès, président de la Tchécoslovaquie, dut subir les insultes et les menaces d’Hitler, tandis que les services de propagande de Goebbels répandaient des histoires effroyables sur de prétendues atrocités commises par les Tchèques sur les Allemands des Sudètes. Alors, à regret, M. Chamberlain en arriva à la conclusion que le seul espoir de préserver la paix dans le monde était de satisfaire à toutes les demandes d’Hitler, c'est-à-dire d'accorder l'autonomie complète au pays des Sudètes.
C'est à peu près à cette époque que le mot apaisement devint à la mode dans le vocabulaire britannique. Cette politique d'apaisement avait alors pris un sens beaucoup plus subtil, celui de concession, d'abandon, de volonté de se tenir, à tout prix, en dehors du coup.
Herr Hitler était un gentleman
C'est un premier ministre désemparé qui regagna l'Angleterre
Au début de septembre, le premier ministre britannique avait décidé que le meilleur moyen de rétablir le calme dans un monde troublé était de rendre personnellement visite à Hitler. C'est dans cette disposition d'esprit qu'il atterrit à Munich, le 15 septembre 1938. Une nouvelle l'y attendait. Tandis qu'il volait vers l'Allemagne, Hitler avait augmenté ses prétentions. Il ne demandait plus l'autonomie pour les Sudètes ; il exigeait maintenant l'intégration de leur territoire au Grand Reich allemand. Chamberlain apprit, au cours de son entrevue avec le Führer, que rien d'autre ne pouvait donner satisfaction au maître de l'Allemagne. Mais il acquit aussi la certitude que si Hitler se montrait dur et impitoyable, il était pourtant un homme à qui on pouvait se fier quand il avait donné sa parole. A son retour, Chamberlain en donna l'assurance aux Anglais, qui furent ravis de l'entendre dire. Herr Hitler était un gentleman.
Suivit une conférence à Londres avec MM. Daladier et Bonnet, respectivement président du conseil et ministre des Affaires étrangères. Le problème n'était pas de savoir si l'on donnerait une suite à la demande d’Hitler, mais comment faire accepter cette demande au gouvernement tchèque. Ni les Français ni les Britanniques n'approuvaient l'idée d'un plébiscite qui eût permis aux habitants du pays des Sudètes de faire connaître leur désir profond ou non de s'intégrer au Reich allemand. Ils désiraient seulement la cession pure et simple de la zone contestée qui, soulignons-le, abritait la ligne dé fortifications défensives de la Tchécoslovaquie contre l'Allemagne.
Dans la matinée du 21 septembre, les représentants français et anglais à Prague avertissaient le président Benès qu'il devait se soumettre aux exigences d’Hitler et que toutes les zones de Tchécoslovaquie contenant plus de 50 % d'Allemands devaient être livrées avant que se crée une situation dans laquelle la France et l'Angleterre ne pourraient avoir aucune responsabilité. Voilà comment les grandes démocraties protégeaient leurs soeurs plus faibles.
Le 22 septembre, Chamberlain prit de nouveau l'avion pour s'entretenir avec le Führer, qui, cette fois, se rendit aimablement à sa rencontre dans un hôtel de Godesberg. Hitler écouta la déclaration de Chamberlain l'informant que la France et l'Angleterre avaient recommandé de satisfaire à ses exigences, puis, après l'avoir remercié courtoisement, il déclara : Es tut mir furchtbar leid, aber das geht nicht mehr (Je suis désolé, mais ceci ne suffit plus, maintenant). D'autres pays possédant des frontières communes avec la Tchécoslovaquie lui avaient demandé que les parties de cette dernière occupées par leurs minorités respectives leur fussent également cédées, et Hitler appuyait ces revendications. Non seulement les provinces occidentales (c'est-à-dire le pays des Sudètes) devaient être livrées à l'Allemagne, mais les provinces orientales, où vivaient des Hongrois et des Polonais, devaient être cédées à leur pays d'origine. En fait, il s'agissait d'un démembrement pur et simple de la Tchécoslovaquie.
M. Chamberlain passa les trente-six heures qui suivirent dans la contrariété, le désarroi et la honte. Il ne le cacha pas au Führer qui l'écouta le plus courtoisement du monde, mais aussi, comme on peut l'imaginer, avec un sourire quelque peu sarcastique. En tout cas, il ne montra aucune disposition à réduire ses prétentions. C'est un premier ministre désemparé qui regagna l'Angleterre, pour y constater un raidissement de l'opinion publique, attitude qui ne fit sans doute qu'accroître la déception de celui qui se considérait comme le pèlerin de la paix.
La paix à n'importe quel prix
La conférence commença dans la soirée du 29 septembre 1938
À la suite de cette soudaine poussée de méfiance envers Hitler, on décida de rejeter les conditions de Godesberg. La Tchécoslovaquie put mobiliser sans l'opposition de la France et de l'Angleterre, et la France décréta même une mobilisation partielle. Les démocraties paraissaient enfin réagir devant le danger. Le 26 septembre, Hitler reçut un message de Chamberlain auquel il répondit par un véritable ultimatum : si le 28 septembre, à 14 heures, les Tchèques n'avaient pas accepté les revendications allemandes, les troupes du Reich pénétreraient sur le territoire des Sudètes à la date précise du octobre. Cependant, dans un discours qu'il prononça trois heures plus tard, et dans lequel il s'exprima en termes violents et grossiers à l'égard de Benès et de la Tchécoslovaquie, Hitler parla en termes modérés de la France et de la Grande-Bretagne, déclarant : Ceci est la dernière réclamation territoriale que j'aie à faire en Europe.
Quoi qu'il en soit, le mercredi 28 septembre, à 14 heures, Benès n'avait toujours pas fait sa soumission à Berlin. Une armée tchèque de plus d'un million d'hommes était en place derrière une ligne puissamment fortifiée, prête à s'opposer à toute agression allemande. L'armée française était partiellement mobilisée et le gouvernement britannique avait donné l'ordre à la Royal Navy de se tenir en état d'alerte.
C'est alors qu'à 15 heures Hitler adressa un message à Chamberlain et à Daladier pour suggérer une nouvelle et immédiate entrevue. Mussolini y assisterait également, mais les représentants des Soviets en seraient exclus, de même que ceux de la Tchécoslovaquie. Pour la troisième fois, le premier ministre britannique s'envola vers l'Allemagne.
Benito Mussolini 1883-1945
À Munich, M. Chamberlain, au nom du peuple anglais et M. Daladier, au nom du peuple français, se déclarèrent prêts à payer n'importe quel prix pour la paix. La conférence commença dans la soirée du 29 septembre et le 30, à 2 heures du matin, les quatre parties apposaient leurs signatures au bas d'un mémorandum : l'ultimatum de Godesberg était pratiquement accepté. Les troupes allemandes entreraient, le 1er octobre, dans le territoire des Sudètes, dont l'évacuation devrait être terminée pour le 10 octobre. Une commission internationale déciderait, par la suite, du tracé des nouvelles frontières de la Tchécoslovaquie qui perdrait, sans aucun doute, dans l'opération, sa ligne de fortifications occidentale.
Description des protagonistes par Edouard Daladier
Hitler, le visage pâle et crispé
Vers midi, accompagné dans une voiture découverte, de François-Poncet et du maréchal Goering, vêtu d'un uniforme blanc qui accentuait ses rondeurs, j'arrivai à la Maison du Führer, sur la place royale.
Ayant François-Poncet pour guide, j'entrai dans un salon largement ouvert où je trouvai Neville Chamberlain vêtu de noir suivant sa coutume, impassible, ressemblant un peu à un vieil homme de loi anglais.
Bientôt, escorté de Ciano, grand, vigoureux et d'un cortège d'officiers et de diplomates italiens en grand apparat, couvert de galons et de décorations, apparut Mussolini.
Il était sanglé dans un bel uniforme qui me parut un peu étroit pour lui. Il pénétra d'un pas vif dans le salon, le torse bombé, ses yeux noirs très mobiles, comme passant en revue, mais rapidement détendu et souriant.
Maintenant, derrière tous ces hommes chamarrés, seul, venait Hitler, le visage pâle et crispé. Je voyais sa chevelure brune, une mèche épaisse lui tombant sur le front. Le regard était étrange et dur de ces yeux d'un bleu sombre qui se révulsèrent brusquement lors des brèves salutations.
Il était vêtu très simplement comme un homme du peuple d'une veste kaki, portant sur la manche droite l'écusson à croix gammée, son long pantalon noir tombait sur des chaussures noires assez usagées. Tel m'apparaissait l'homme qui, par la ruse, la violence et la force, était devenu dictateur suprême de l'Allemagne.
J'avais dit et répété à Londres que son but était d'établir sa domination sur l'Europe. En le voyant, je pensai ne pas m'être trompé.
Vers midi trente, le premier entretien eut lieu dans un salon rectangulaire. Hitler prit place sur un fauteuil, dans la partie gauche à partir de l'entrée. A sa droite étaient son interprète, puis Neville Chamberlain, enfin sir Horace Wilson. Au centre du salon, sur un canapé, étaient assis Mussolini et Ciano. Moi-même je me trouvais sur la partie droite, dans un fauteuil, face à Hitler.
Hitler se leva et prononça contre les Tchèques un violent réquisitoire. C'était une véritable explosion. Étendant les bras ou serrant les poings, il accusait les Tchèques d'avoir exercé contre les Allemands une affreuse tyrannie, de les avoir torturés, d'en avoir chassé des milliers de leur pays, comme des troupeaux affolés.
J'avais compris le sens de son discours, mais sa traduction ne laissait aucun doute sur la violence de son réquisitoire. Je me levais donc pour demander s'il fallait comprendre qu'Hitler proposait de détruire la Tchécoslovaquie, comme Etat, et de l'annexer au Reich. S'il en était ainsi, je n'avais qu'à regagner la France. Daladier défend les Tchèques, écrivit plus tard Ciano, dans son journal.
Mussolini s'agita sur son canapé.
Non, non, s'écriait-il, c'est un malentendu.
Et, tandis qu'il parlait, Hitler ne le quittait pas des yeux.
Ayant entendu la traduction de ces deux interventions, Hitler reprit la parole, d'un ton plus calme.
Non, je ne veux pas de Tchèques, monsieur Daladier, je ne veux que mes frères allemands. Quand vous me donneriez les Tchèques, je n'en voudrais pas.
Et il continua sur ce ton, affirmant que sa politique ne consistait qu'à rassembler tous les Allemands dans leur patrie commune.
Alors Mussolini sortit de la poche extérieure de sa vareuse une feuille de papier. C'était, disait-il un bref projet de compromis dont il donna lecture.
Bien que l'ayant compris, je demandai que l'on nous en remit le texte, afin que nous puissions l'étudier. Il en fut ainsi décidé, et la Conférence fut suspendue jusqu'à 5 h 45. Il était alors quinze heures.
Le débat reprit pour ne se terminer qu'à 2 heures du matin. La discussion fut assez confuse et parfois désordonnée, Hitler restant presque tout le temps silencieux et tel que je l'avais vu le matin à son arrivée, figé et blême.
Je fus parfois soutenu par Mussolini, fier du rôle de médiateur entre trois grandes puissances qu'il s'était assigné. Un peu avant la fin, au moment des signatures, il me dit, en souriant : Vous allez être acclamé à votre retour en France.
Je lui dis que, certes, les Français, seraient joyeux d'apprendre que la paix était sauvée, mais qu'ils auraient conscience des sacrifices qui lui avaient été consentis. Vous verrez, vous verrez.
Une voix dans le désert
Après Munich, Churchill ne se laissa pas abuser
Winston Leonard Spencer-Churchill 1874-1965
Au cours des années 30, Winston Churchill n'occupait aucun poste au gouvernement. Beaucoup pensaient qu'il avait entièrement vidé son carquois et qu'il n'était plus rien que l'enfant terrible de la politique anglaise. Bien peu avaient compris la signification des mises en garde en face de la montée d’Hitler et du national-socialisme. Plus Hitler accumulait les succès et moins la voix de Churchill trouvait audience. Même après Munich, lorsque les Anglais se réjouissaient, Churchill ne se laissa pas abuser. Au cours d'une allocution à la Chambre des communes, il proclama : Je ne reproche pas à notre loyal et généreux peuple qui était prêt à faire son devoir à quelque prix que ce fût, qui n'a jamais fléchi sous la tension de ces derniers jours je ne lui reproche pas cette explosion de joie spontanée, et toute naturelle, ce cri de soulagement qu'il a poussé en apprenant que l'épreuve si redoutée ne lui serait pas imposée pour l'instant ; mais le peuple anglais doit savoir la vérité. Il doit savoir qu'il y a eu des négligences grossières et de grandes faiblesses dans l'organisation de notre défense ; il doit savoir que nous venons d'essuyer une défaite sans avoir fait de guerre et que les conséquences de cette défaite nous accompagneront longtemps ; il doit savoir que nous avons couvert une terrible étape de notre histoire, quand l'équilibre de l'Europe a été bouleversé et ne croyez pas que ceci soit la fin. C'est seulement le début de l'expiation. C'est seulement la première gorgée, l'avant-goût de la coupe d'amertume qui nous sera offerte jour après jour, tant que nous n'aurons pas recouvré assez de santé morale et de vigueur martiale pour nous relever et reprendre, comme jadis, notre place à la pointe du combat pour la liberté.
La présence des représentants tchèques
Dans la pièce à côté
Tomáš Garrigue Masaryk 1850-1937
Chamberlain avait insisté d'abord pour qu'un représentant tchèque fût présent, ou du moins, selon son expression, qu'on pût l'avoir sous la main. Son pays, dit-il, ne pouvait, bien entendu, s'engager à donner la garantie que le territoire des Sudètes serait évacué le 10 octobre (comme l'avait proposé Mussolini) si aucune assurance à ce sujet n'était donnée par le gouvernement tchèque. Daladier le soutint mollement. Le gouvernement français, dit-il, ne tolérerait aucun retard de la part du gouvernement tchèque, mais il pensait que la présence d'un représentant tchèque, qui pourrait être consulté si nécessaire, serait profitable.
Mais Hitler ne voulut rien entendre. Il ne consentait à admettre aucun Tchèque en sa présence. Daladier céda sans difficulté, mais Chamberlain finit par obtenir une petite concession. Il fut convenu qu'un représentant tchèque pourrait se tenir à la disposition des participants dans la pièce à côté, comme le suggérait le Premier Ministre.
En effet, pendant la séance de l'après-midi, deux représentants tchèques, le docteur Vojtech Mastny, le ministre tchèque à Berlin, et le docteur Hubert Masaryk, des Affaires étrangères de Prague, arrivèrent et furent sans vergogne introduits dans une pièce voisine. Après qu'on les eut laissés s'y morfondre de quatorze à dix-neuf heures, le ciel leur tomba, pourrait-on dire, sur la tête. A dix-neuf heures, en effet, Frank Ashton-Gwatkin, qui avait appartenu à la mission Runciman et faisait maintenant partie de la suite de Chamberlain, vint leur apprendre de mauvaises nouvelles. Un accord général était intervenu, dont il ne pouvait pas encore leur donner les détails, mais qui était beaucoup plus dur que les propositions franco-britanniques. Masaryk demanda si les Tchèques ne pouvaient être entendus, mais, comme le rapporta ensuite le représentant tchèque à son gouvernement, l'Anglais lui répondit qu'il semblait ignorer combien la situation des grandes puissances était difficile et qu'il ne pouvait comprendre à quel point les négociations avec Hitler avaient été pénibles.
À dix heures du soir, les malheureux Tchèques furent conduits auprès de Sir Horace Wilson, le fidèle conseiller du Premier Ministre. Wilson leur communiqua, de la part de Chamberlain, les principaux points de l'accord des quatre puissances et, leur remit une carte des zones sudètes qui devraient être immédiatement évacuées par les Tchèques. Quand les deux envoyés tentèrent de protester, le fonctionnaire britannique leur coupa la parole. Il n'avait rien de plus à dire, déclara-t-il, et il sortit rapidement. Les Tchèques continuèrent à protester auprès d'Ashton Gwatkin, qui était resté avec eux. Mais ce fut en vain.
Si vous n'acceptez pas, leur dit-il au moment de sortir, vous serez obligés de régler vos affaires avec les Allemands absolument seuls. Peut-être les Français vous diront-ils cela moins brutalement, mais, vous pouvez m'en croire, ils partagent nos vues. Ils se désintéressent de la question.
C'était la vérité, si désolante qu'elle dut alors paraître aux deux émissaires tchèques. Le 30 septembre, peu après une heure du matin, Hitler, Chamberlain, Mussolini et Daladier, dans l'ordre que je viens d'indiquer, apposèrent leur signature sur l'accord de Munich, stipulant que l'armée allemande entrerait en Tchécoslovaquie le 1er octobre, comme Hitler l'avait toujours dit, et achèverait l'occupation des Sudètes le 10 octobre. Hitler obtenait ce qui lui avait été refusé à Godesberg.
Restait la pénible tâche pénible du moins pour les victimes d'informer les Tchèques des sacrifices qu'il leur fallait consentir et du bref délai qui leur était accordé. Cette partie dé la cérémonie ne concernait pas Hitler et Mussolini, qui se retirèrent, laissant ce soin aux représentants des alliés de la Tchécoslovaquie, la France et la Grande-Bretagne. La scène a été décrite de façon extrêmement vivante par Masaryk dans son rapport officiel aux Affaires Étrangères tchèques.
À treize heures trente, nous fûmes introduits dans la salle où s'était tenue la conférence. Étaient présents M. Chamberlain, M. Daladier, Sir Horace Wilson, M. Léger (secrétaire général au ministère des Affaires étrangères), M. Ashton-Gwatkin, le Dr Mastny et moi-même. L'atmosphère était lourde d'angoisse : la sentence allait être rendue.
Les Français, visiblement nerveux, semblaient anxieux de conserver le prestige de leur pays devant le tribunal. Dans un long discours préliminaire, M. Chamberlain fit allusion à l'accord et en remit le texte au docteur Mastny
Les Tchèques entreprirent de poser quelques questions, mais : M. Chamberlain ne cessait de bâiller, sans faire le moindre effort pour dissimuler ses bâillements. Je demandai à M M. Daladier et Léger s'ils attendaient de notre gouvernement une déclaration ou une réponse à l'accord. M. Daladier était visiblement nerveux. M. Léger répondit que les quatre hommes d'État ne disposaient que de peu de temps. Il ajouta vivement, et non sans désinvolture, qu'aucune réponse ne nous était d'ailleurs demandée, que les participants considéraient le projet comme accepté, que notre gouvernement devait envoyer son représentant à Berlin le jour même, à quinze heures au plus tard, pour assister à la séance de la commission, enfin que l'officier tchécoslovaque désigné à cet effet devrait être à Berlin samedi pour régler les détails de l'évacuation de la première zone. L'atmosphère, dit-il, commençait à devenir dangereuse pour le monde entier.
Il nous parla sur un ton fort brusque. C'était un Français. M. Chamberlain ne cachait pas sa lassitude. Ils nous remirent une seconde carte légèrement corrigée. Puis ils en finirent avec nous et nous pûmes partir.
Un état rayé de la carte
Hitler n'était plus un gentleman
Donc les délégués tchèques (à qui l'on avait permis de venir à Munich et d'attendre, dans l'antichambre, le résultat des négociations) furent froidement informés de cette décision et Hitler et Chamberlain signèrent ensemble un document qui concrétisait le profond désir de leurs deux peuples de ne jamais se faire mutuellement la guerre. Quant aux divisions allemandes, elles se préparèrent à pénétrer en Tchécoslovaquie aussi profondément que Hitler le jugerait opportun. Puis M. Chamberlain rentra en Angleterre.
Il y fut accueilli par les acclamations d'une foule enthousiaste qui l'attendait à l'aéroport et devant laquelle il brandit l'accord qu'il venait de signer avec Hitler avant de lui en lire le contenu.
M. Daladier reçut le même accueil enthousiaste des Français à sa descente d'avion. Mais la légende qui est peut-être vraie veut que le président du conseil ne réagisse pas avec la même euphorie que son homologue anglais et craignit que la foule massée à l'aéroport ne fût pas là pour l'applaudir mais pour le huer. Quand il se fut rendu compte des sentiments qui animaient ses compatriotes, il aurait eu à leur égard une épithète malsonnante.
Une vague de soulagement se propagea à travers le pays. Toute cette nuit-là, les pubs furent emplis de bandes joyeuses, de gens heureux, enfin rassurés, qui se sentaient l'esprit délivré d'un énorme souci. Le matin suivant, la presse britannique fit une plus large place au document que Chamberlain avait signé seul avec Hitler qu'à celui qu'il avait paraphé avec Hitler, Daladier et Mussolini, ce qui eut pour effet de prolonger pendant plusieurs jours ce climat d'euphorie.
Mais, peu à peu, les détails des accords sur la Tchécoslovaquie commencèrent à être connus. Le sentiment de l'impasse dans laquelle l'Angleterre venait de s'engager ainsi que la honte de la mauvaise action qui avait été commise firent progressivement leur chemin dans la conscience du peuple anglais. Le démembrement de la démocratie modèle commença sur-le-champ. Le 1er octobre, les troupes allemandes avaient envahi le territoire des Sudètes et, en moins de vingt-quatre heures, les revendications polonaises pour le retour de Teschen à la Pologne avaient été satisfaites. Les Tchèques n'eurent d'autre ressource que d'accepter. Puis, à la fin du mois, Hitler et Mussolini se mirent d'accord sur un nouveau tracé de frontière entre la Tchécoslovaquie et la Hongrie, opération qu'ils annoncèrent au monde comme étant l'a arbitrage de Vienne.
Le Dr Benès donna sa démission de président de l'État tchécoslovaque et alla résider en Angleterre. Malgré cet exil, il pouvait se considérer comme l'un des moins défavorisés parmi ses concitoyens. Durant l'hiver qui suivit 1938/1939 le démembrement de la Tchécoslovaquie s'aggrava : Hitler multipliait les causes de discorde entre les différentes nationalités qui avaient, jusque-là, vécu en bonne intelligence et élargissait le fossé entre Tchèques et Slovaques. Mais d'autres voix que celle de Hitler se faisaient maintenant entendre et les Anglais eurent rapidement mauvaise conscience de ce qu'ils avaient laissé s'accomplir. Les Allemands perdirent leur popularité et la Tchécoslovaquie se vit entourée d'une aura romantique semblable à celle de la courageuse petite Belgique, entre 1914 et 1918. De nombreux Britanniques se rendirent compte, avec amertume, que les forces à opposer éventuellement à l'Axe venaient d'être amputées d'un million de soldats bien entraînés et qu'elles perdaient l'avantage d'un système de fortifications efficace. De plus, les usines Skoda allaient maintenant produire des chars pour les dictateurs.
Le 14 mars 1939, encouragée par Hitler, la province de Slovaquie se déclara indépendante et se sépara de la Tchécoslovaquie. Le même jour, les troupes allemandes, parties de leurs bases en territoire sudète, pénétraient dans Prague, mettant ainsi la main sur la Bohême et la Moravie. Le jour suivant, avec un cynisme qui dut choquer même ceux qui avaient coopéré avec lui, Hitler acceptait le protectorat de Slovaquie, une Slovaquie dont l'indépendance n'avait finalement duré que vingt-quatre heures ! C'est ainsi qu'un État moderne fut rayé de la carte du monde pour plusieurs années.
Le 17 mars, ses yeux s'étant enfin dessillés, M. Chamberlain accusa ouvertement Hitler d'avoir manqué à sa parole. Hitler n'était plus un gentleman ; il est même probable qu'il n'en a jamais été un.
CRÉATION DU NAZISME
Hitler et les Nazis maîtres du IIIe Reich
Engelbert: Le chancelier autrichien, a interdit le partie autrichien. Le 25 juillet 1934, il est assassiné.
Herschel: Juif polonais et jeune chômeur de 17 ans, il tua le 17 novembre 1938, un membre de l'ambassade du Reich à Paris ce qui déclencha La Nuit de Cristal.
André François: Ambassadeur de France à Berlin et observateur lucide, n'a guère été entendu. Il savait qu'Hitler préparait l'invasion de la Rhénanie
8 novembre 1923 : le putsch d’Hitler échoue à Munich.
30 janvier 1933 : Hitler devient chancelier d'un gouvernement de coalition.
23 mars 1933 : le Reichstag vote les pleins pouvoirs à Hitler.
30 juin 1934 : Nuit des longs couteaux.
2 août 1934 : mort d'Hindenburg, Hitler devient Führer.
7 mars 1936 : les troupes allemandes pénètrent en Rhénanie.
12 mars 1938 : l'Allemagne envahit l'Autriche pour rétablir l'ordre. Le lendemain, l'Autriche est déclarée partie intégrante de l'Allemagne.
30 septembre 1938 : Hitler, Chamberlain, Mussolini et Daladier signent les accords de Munich.
9/10 novembre 1938 : Nuit de cristal.
Hitler et les SA défient la loi et l'Etat
Les chemises brunes s'organisent
Une compagnie d'honneur SA pour Hitler
Un jeudi matin, une compagnie d'honneur, formée d'une double haie de SA (sections d'assaut) en uniforme, est déployée devant la grande entrée du tribunal : on attend l'arrivée de Hitler. Lorsque le procureur général se présente pour pénétrer dans le bâtiment, un SA prétend lui barrer le chemin et l'orienter vers la porte de service, la grande entrée étant réservée au Fuhrer. Hitler arrive en voiture et passe en revue, d'un pas lent, les hommes de la compagnie d'honneur qui le saluent le bras tendu. En conclusion, le président du tribunal fera son éloge. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la scène se passe bien avant 1933, année de la prise de pouvoir nazi : elle a lieu dans la ville de Schweidnitz le 12 juin 1930, à une époque où le parti national-socialiste ne dispose encore au Reichstag, élu en 1928, que de 12 sièges (sur un total d'environ 500), et où de nombreux hommes politiques démocrates n'ont pas encore pris conscience du danger nazi.
Adolf Hitler 1889-1945
Des coups de force musclés des SA
À Schweidnitz le 27 septembre 1929 le parti social-démocrate organise une réunion dans la grande salle du restaurant populaire Volksgarten. L'orateur est député au Reichstag. Le service d'ordre est assuré par 86 hommes. Lorsque le service d'ordre arrive sur place vers 20 heures, de nombreux assistants sont déjà installés, dont 150 nationaux-socialistes qui comptent en leur sein des renforts arrivés en camions ou en voitures de toutes les villes environnantes.
Aucun signe extérieur ne permet de distinguer ces nazis des autres spectateurs, mais ils ont caché dans leurs poches le béret et le brassard des SA et beaucoup d'entre eux portent, dissimulés sous leur vêtement civil, la chemise brune avec un crochet métallique, arme redoutable, en bandoulière. Arrivés suffisamment tôt, ils ont pu occuper des positions stratégiques : la première rangée de tables au bord de l'estrade où doit parler l'orateur, le fond de la salle le long des murs, le centre des tribunes d'où on domine l'assistance, et le voisinage de la porte d'entrée. L'orateur commence son discours devant environ 800 spectateurs. Il est systématiquement interrompu, des cris et sifflements retentissent en maints endroits, les chaises servent de tambours.
La tension monte, des assistants demandent l'expulsion des perturbateurs. Finalement l'un de ceux-ci est frappé. Aussitôt est déclenchée une opération quasi-militaire, casquettes et bandoulières apparaissent immédiatement, ainsi que brassards à croix gammée et chemises brunes : les nazis venus de différents lieux peuvent ainsi se reconnaître. Tout d'abord l'estrade est prise d'assaut : l'orateur et le président de séance disparaissent au plus vite, abandonnant sur leur table montres et documents. Vient le tour des assistants, bombardés à partir de la tribune au moyen de gros verres à bière et attaqués par les SA placés au fond de la salle à l'aide de pieds de tables, de chaises, de boucles de ceinturon. La panique se déclenche, le public se presse vers l'entrée, mais celle-ci a été entre temps encombrée au moyen de chaises, et au passage les fuyards sont systématiquement frappés par un groupe de SA. En moins de dix minutes la salle est vidée. Bilan : des dizaines de blessés, dont un bon nombre de blessés graves conduits à l'hôpital. Les dégâts sont importants : 200 verres à bière, 17 chaises et 3 tables ont été détruits, ainsi que 34 vitres. En outre, 78 chaises et 35 tables ont été endommagées.
À qui profite le crime
27 février 1933, le Reichstag s'enflammait comme une torche
Ce soir du 27 février 1933
Après les élections législatives de 1933, le soir du 27 février, la salle des séances du Reichstag, le parlement allemand, s'enflammait comme une torche. Le lendemain, la police, placée sous l'autorité d'Hermann Goering présentait son suspect: un anarcho-communiste hollandais de 24 ans, le maçon Marinus van der Lubbe. Il avait été pris sur le fait et ses complices communistes étaient en fuite, affirmaient les policiers.
Dès le lendemain, prétextant la menace d'un complot communiste, Hitler imposait au président Hindenburg, un décret qui abolissait toutes les libertés fondamentales dans la République de Weimar. Dans les jours qui suivirent, des milliers d'adversaires des nazis étaient arrêtés. La presse socialiste et communiste était interdite. Gestapo et SS avaient tout pouvoir. On sait ce qu'ils en firent. L'incendie du Reichstag devint, en quelque sorte, l'acte fondateur du IIIe Reich, ouvrant toutes grandes les portes du pouvoir Hitler.
Le procès de Van Der Lubbe
Marinus van der Lubbe
Signé par van der Lubbe, le procès-verbal des interrogatoires, menés sans interprète (van der Lubbe parlait fort mal l'allemand), servit de document à charge. Le suspect y reconnaissait avoir mis le feu au Reichstag.
En moins de trois mois, le cas de Marinus van der Lubbe fut réglé. Il faut dire qu'il n'avait pas fait grand-chose pour se défendre. Et pour cause. La photo prise quatre jours après son arrestation montrait un jeune homme solide et en bonne santé. En revanche, durant tout le procès, il se comporta en automate, incapable d'énoncer une phrase, si ce n'est pour se dire coupable. Des observateurs étrangers affirmèrent alors qu'il était drogué. Déjà, lors de son arrestation dans le Reichstag, la nuit de l'incendie, il avait paru être dans un état second. Condamné à mort le 23 décembre, il fut décapité le 10 janvier 1934.
La manipulation
C'est un van der Lubbe drogué qui aurait été amené, contre sa volonté, dans le Reichstag. Errant dans les couloirs, suffoquant à cause de la fumée et ses habits prenant feu, mais sauvé des flammes, il avait reconnu tout ce que les policiers qui l'avaient arrêté voulaient lui faire avouer. En fait, il est probable que van der Lubbe avait été introduit dans le Reichstag par le portail 2, et qu'on l'avait empêché d'en sortir. Autre invraisemblance : des reconstitutions prouvèrent que ce prétendu coupable ne connaissait ni les lieux ni l'endroit où s'était déclaré le sinistre. Alors, manipulation ? Pourquoi pas.
La purge sanglante. La Nuit des longs couteaux
Nous aiguiserons nos longs couteaux sur le bord des trottoirs
Dans toute l'Allemagne, Hitler, Himmler, Heydrich, Goring ont pris leurs dispositions. Samedi 30 juin 1934, La nuit des longs couteaux commence : mais ce ne sera pas les SA qui en seront les acteurs. Ils n'en seront que les victimes.
Le piège de Munich
Ernst Röhm (ou Roehm) 1887-1934
Dans Munich, autour de la Maison Brune où de nombreux SA sont rassemblés, des SS montent la garde. Ils ont ordre de ne laisser sortir aucun SA. Déjà des voitures chargées de SS filent dans les rues : bientôt des victimes désignées tomberont sous les coups des tueurs de l'Ordre noir. À la gare, des SS envahissent les quais : il s'agit d'arrêter à leur descente du train les chefs SA qui viennent à Munich, convoqués par Röhm afin d'assister à une grande confrontation prévue depuis des mois entre les SA et leur Führer Adolf Hitler. Mais aujourd'hui la réunion n'est plus qu'un piège où va tombé tout l'état-major des SA.
Hitler révolver au poing
La pension Hanselbauer est situé un peu à l'écart, au bord du lac. Dans le silence matinal les SS bondissent, Hitler les suit, revolver au poing. Bientôt les portes sont défoncées, les SS courent dans les couloirs encore sombres, les cris gutturaux éclatent, et déjà les injures. Les chefs SA ensommeillés, menacés de mort, avancent dans les couloirs sous les coups et les hurlements dans la demi-obscurité.
L’arrestation de Röhm
Hitler et de nombreux SS sont rassemblés devant une porte : c'est la chambre de Röhm. Le Führer est là, le revolver au poing. Un policier frappe à la porte, puis le Führer lui-même se met à hurler et quand Röhm questionne, c'est lui qui répond, se précipite : il insulte, il crie à la trahison, il menace, crie à nouveau à la trahison. Röhm est torse nu, son visage est rouge, gonflé par la nuit écourtée. Il se tait d'abord, puis mal réveillé, comprenant lentement, il commence à protester. Hitler hurle, déclare qu'on lui manque de respect, et annonce qu'il met Röhm en état d'arrestation. Et il court vers d'autres chambres cependant que des SS surveillent Ernst Röhm dont la puissance vient de s'effondrer, en quelques minutes, et qui n'est plus qu'un homme corpulent qui s'habille avec difficulté sous les regards ironiques des SS.
Ils tuent, ils fusillent
Heydrich, a reçu aussitôt le mot de passe et immédiatement il le répercute sur ses hommes qui, dans les différentes villes sont dans l'attente. Les voici lâchés. Ils ont reçu leurs enveloppes cachetées et, ce matin, ils brisent les sceaux marqués de l'aigle et de la croix gammée, ils relisent les noms de leurs anciens camarades avec qui ils ont livré bataille et qu'ils sont chargés d'arrêter ou de liquider. Ils découvrent le nom de telle ou telle personnalité, aujourd'hui encore respectée, couverte de titres ou d'honneurs et qu'ils doivent conduire dans un camp ou faire disparaître dans un bois ou une région marécageuse.
À Munich, von Kahr, qui s'était opposé à Hitler, en 1923, est entraîné par des SS ; on retrouvera son corps mutilé. Le révérend père Bernhard Stempfle, qui a, jadis, corrigé Mein Kamnpf, qui connaît certains épisodes de la vie amoureuse de Hitler est, lui aussi, abattu. Kahr et Stempfle s'étaient pourtant retirés de la vie publique : mais, pour les SS, un mort inutile vaut toujours mieux qu'un adversaire oublié. Le critique musical Schmidt est ainsi abattu parce qu'on cherche un autre Schmidt. Qu'importe l'erreur. Il s'agit de liquider, de balayer toute opposition. À Berlin, Otto Strasser, l'un des fondateurs du Parti, est abattu d'une balle dans la cellule où on l'a enfermé. Laissez saigner ce porc, aurait dit Heydrich.
Röhm, dans sa cellule
Un gardien est chargé de conduire les trois officiers SS à la cellule de Röhm, toujours torse nu, semblant avoir perdu toute volonté, il regarde entrer Eicke, qui pose sur la table un revolver chargé d'une seule balle. Puis Eicke se retire. Au bout d'une dizaine de minutes, les SS Lipert et Eicke ouvrent la porte. Lippert, dont la main tremble, tire deux coups de feu ; Röhm a encore le temps de murmurer : Mein Führer ! Mein Führer, puis une nouvelle balle l'achève.
Cependant, à Berlin, les exécutions continuent. Souvent, les victimes ne comprennent pas. Karl Ernst, arrêté, alors qu'il partait en voyage de noces, mourra au cri de : Vive le Führer !
Les exécutions ne cesseront que le lundi 2 juillet 1934. Nul ne pourra donner, avec précision, le nombre des victimes : au moins une centaine, peut-être un millier. Mais il est une victime qui ignore encore son sort : et c'est. L’Allemagne elle-même qui entre dans une longue nuit de meurtres.
Le bluff d’Hitler
Hitler joue au poker et gagne
Le pessimisme des généraux
Adolf Hitler se moque bien des chiffres et des problèmes d'intendance. Il ne croit qu'à son intuition politique, à ce qu'il nomme dans ses discours la Providence et que certains baptisent son génie. Il lance au général Fritsch incrédule : Vos renseignements ne valent rien. Moi je vous dis que l'armée française n'entrera pas en campagne. Nos troupes arriveront en Rhénanie l'arme à la bretelle.
Werner Thomas Ludwig Freiherr von Fritsch 1880-1939
Et c'est alors qu'il prononce la phrase décisive : Si la France réagit, je me suiciderai ! Le Führer rompt l'entretien sur cette déclaration mélodramatique et s'enferme pour réfléchir, pendant deux jours, dans la solitude la plus totale.
Le 6 mars 1936, Adolf Hitler annonce sa décision à ses proches : Je donne l'ordre à nos troupes d'entrer dans la zone démilitarisée. Il a ce regard brillant, presque extatique, qu'ont connu ses plus vieux compagnons, ceux qui se trouvaient avec lui au soir du 8 novembre 1923, lors de cette folle nuit du putsch de Munich. Mais cette fois, Adolf Hitler semble étrangement calme. Il est certain qu'il peut gagner. Qu'il doit gagner.
Gagné ou perdu
C'est le plus grand pari de sa carrière. Jusqu'ici il n'avait lancé de défi qu'à l'Allemagne. En cette aube grise, il provoque le monde entier. Dans quelques heures, il aura gagné ou il aura perdu. La moindre intervention militaire française serait un désastre. La nouvelle Wehrmacht ne donne pas à son chef suprême le droit de se tromper. Mais pour le Führer, il ne s'agit pas de guerre. Il s'agit de bluff.
Maintenant, les troupes allemandes avancent dans la zone démilitarisée. Le colonel Gallenkamp a dressé les plans de l'opération qui réussira à la seule condition de ne se heurter à aucune opposition. Les hommes n'ont même pas perçu de cartouches.
Le bluff réussit
Trois soldats à bicyclette se présentèrent d'abord. Sous le casque d'acier, les visages étaient jeunes, les silhouettes musclées. Un murmure d'approbation monta de la foule massée sur le parvis de la cathédrale de Cologne. La rumeur s'enfla jusqu'à l'extase: l'infanterie allemande arrivait sur la place, défilant au pas de l'oie, dans un ordre impeccable.
Tant que le commandant du détachement passa ses troupes en revue, les spectateurs observèrent un silence religieux et se continrent jusqu'à ce qu'une petite fille offrît au général un bouquet d'oeillets rouges. Ce geste mit fin à la cérémonie. Criant, chantant, déferlant sur la place, la population de Cologne explosait de joie.
Cologne n'était pas la seule ville à connaître cet état de fièvre, ce samedi 7 mars 1936. Deux autres villes de la rive gauche du Rhin virent des scènes identiques au moment où les troupes allemandes franchissaient, de la rive droite, les ponts du fleuve. Pour tous les habitants de la Rhénanie, leur venue revêtait un sens parfaitement clair: Hitler remilitarisait la région et amenait l'armée allemande renaissante aux portes de l'ennemi, la France.
La reculade
En cette tragique journée du 7 mars 1936, à 18 heures, la France n'a encore trouvé qu'une réplique : la réunion d'un nouveau Conseil des ministres. Pierre-Etienne Flandin reçoit ses collègues avec un air plus funèbre que jamais. Les ministres parlent. Ils parlent beaucoup. Mais personne n'est décidé à agir, et surtout pas Albert Sarraut. Le ministre des Affaires étrangères donne le ton de ce lamentable Conseil en annonçant à la presse : La France a pris la décision de ne rien faire sans l'Angleterre, dit Pierre-Etienne Flandin, et de saisir le Conseil de la Société des Nations de la réoccupation de la Rhénanie. C'est la reculade.
Personne ne veut la guerre
Personne ne veut la guerre. Personne ne veut le risque même de la guerre. Le bluff d'Adolf Hitler a parfaitement réussi. Un seul mot d'ordre : ne rien faire.
Le Conseil se contentera de constater que l'Allemagne a violé le pacte de Locarno, mais il se gardera bien de proposer la moindre sanction. Puisque les Français n'ont pas voulu prendre l'initiative d'une riposte, aucun gouvernement étranger n'est décidé à se montrer plus royaliste que le roi.
Anschluss La croix gammée flotte sur Vienne
Le peuple autrichien approuve massivement l'annexion
Le 25 juillet 1934, à Vienne, vers midi, des hommes conduits par le SS Holzweber s'emparèrent par surprise de la Chancellerie, grâce à la complicité du chef de la police. Grièvement blessé, le chancelier Dollfuss fut déposé sur un canapé dans la salle du Congrès. En guise de soins, on le somma de démissionner : il refusa. On posa près de lui une plume et du papier et on le laissa agoniser, le harcelant pour obtenir sa signature. Il mourut à dix-huit heures, sans avoir vu ni le médecin ni le prêtre qu'il réclamait, mais sans avoir capitulé.
Pendant ce temps, les troupes loyales et la police avaient encerclé le Parlement. Dans la soirée, on apprit que Mussolini réagissait violemment à ce coup de force et mobilisait cinq divisions qui partaient se masser à la frontière du Brenner. À dix-neuf heures, les émeutiers se rendaient. La méthode brutale venait d'échouer. Hitler cédait mais la Gestapo allait pouvoir intervenir.
Intimider l'adversaire
Avant de passer à l'annexion de l'Autriche, le Führer recourut à ce qui allait devenir une de ses tactiques habituelles: l'organisation d'une entrevue destinée à malmener et à intimider l'adversaire. En février 1938, il invita donc Schuschnigg, le chancelier autrichien, à venir le rejoindre dans son nid d'aigle de Berchtesgaden. Schuschnigg ne se doutait pas de ce qui l'attendait. Comme il admirait poliment la vue magnifique qu'ils avaient sur les Alpes bavaroises, Hitler l'interrompit brutalement par ces mots: Nous ne sommes pas venus discuter du paysage ou du temps qu'il fait.
Le Führer se lança alors dans un monologue de deux heures dirigé contre Schuschnigg et son gouvernement, qui s'acheva sur un ultimatum. Seyss-Inquart, un avocat viennois profondément nazi devrait être nommé ministre de l'Intérieur et chef de la Sûreté. Les portefeuilles de la Défense et des Finances seraient attribués à des nazis. Schuschnigg fut traité par Hitler avec le plus complet dédain. Grand fumeur, il dut en outre se passer de cigarettes tout au long de l'entrevue en raison de l'aversion du Führer pour le tabac: sa résistance s'en trouva profondément affectée, et il finit par signer l'ultimatum.
Fuites, suicides et arrestations
À Vienne, la foule applaudit les vainqueurs pendant que les Israélites, connaissant les mesures prises en Allemagne contre leurs coreligionnaires, fuyaient ou se suicidaient. De nombreux membres de l'ancienne classe dirigeante autrichienne en firent autant. Le nombre des victimes ne fut jamais publié, mais il est certain qu'il atteignit plusieurs centaines. Il faut y ajouter les nombreuses personnes assassinées par les tueurs nazis pendant les trois premiers jours de l'occupation. Des centaines d'autres furent arrêtées et envoyées dans les camps de concentration, notamment le grand-duc Max et le prince Ernst von Hohenberg, fils de François-Ferdinand. Quant aux socialistes et autres opposants de gauche, ils furent arrêtés en masse. A la mi-avril, on comptait près de quatre vingt mille arrestations, à Vienne seulement.
Enfin, la Gestapo se manifesta par deux assassinats retentissants. L'un était assez inattendu. Le jour même de l'entrée des troupes en Autriche, des agents de la Gestapo enlevèrent le conseiller d'ambassade, baron von Ketteler, qui avait été le conseiller le plus intime de von Papen, alors ambassadeur d'Allemagne à Vienne. Au même moment, von Papen fut relevé définitivement de ses fonctions à Vienne. Il devait, quelque temps après, être envoyé à Ankara. Faisant montre de son habituelle lâcheté, il n'avait pas davantage protesté pour l'assassinat de Ketteler qu'il ne l'avait fait pour ceux d'Edgar Jung et de von Bose, le 30 juin.
Le second assassinat surprit moins : le général Zehner, que le président Miklas avait voulu désigner pour succéder à Schuschnigg, tomba sous les coups des tueurs noirs qui ne lui avaient pas pardonné son opposition au putsch de 1934. Le matin du 12, le major Fey, qui avait pourtant joué un rôle considérable dans le putsch manqué de 1934, se suicidait après avoir tué de ses mains sa femme et son fils.
Entrée triomphale d'Hitler. Le 13 mars, à dix-neuf heures, Hitler fit une entrée triomphale à Vienne.
Vandalisme meurtrier de la Nuit de Cristal
Le lendemain du Pogrom. Conseil de ministres allemands
Conversations nazies après la nuit de cristal
Goebbels : Dans presque toutes les villes allemandes, les synagogues ont été incendiées. On peut utiliser des manières les plus diverses les terrains sur lesquels elles se trouvaient. Certaines villes veulent en faire des jardins, d'autres veulent y construire.
Goering : Combien de synagogues ont été incendiées ?
Paul Joseph Goebbels 1897-1945
Heydrich : 101 synagogues ont été incendiées, 76 ont été démolies, 7 500 commerces ont été détruits.
Goebbels : Je suis d'avis que cela nous donne l'occasion de dissoudre les' synagogues. Toutes celles qui ne sont pas entièrement intactes doivent être démolies par les Juifs eux-mêmes. Les Juifs doivent payer ce travail. Les synagogues incendiées à Berlin seront rasées par les soins des Juifs.
De plus, j'estime nécessaire de publier une ordonnance interdisant aux Juifs de fréquenter les théâtres, les cinémas et les cirques allemands. La situation actuelle nous le permet. Les théâtres sont remplis de toute manière ; c'est à peine si on y trouve de la place. Je suis d'avis qu'il n'est pas possible de permettre aux Juifs de s'asseoir aux côtés des Allemands dans les salles. Par la suite on pourrait peut-être mettre à leur disposition un ou deux cinémas, où ils présenteraient des films juifs.
De plus, il faut qu'ils disparaissent partout de la circulation publique, car ils exercent un effet provocateur. Il est par exemple encore possible aujourd'hui qu'un Juif utilise le même compartiment de wagon-lit qu'un Allemand. Une ordonnance devrait être publiée introduisant des compartiments pour les Juifs, qui ne seraient mis à leur disposition que lorsque tous les Allemands sont assis, et sans qu'ils puissent se mélanger à eux. S'il n'y a pas assez de place, ils doivent rester debout dans le couloir.
Goebbels : Une autre ordonnance doit interdire aux Juifs la visite des villes d'eaux, plages et stations estivales allemandes. Je me demande s'il n'est pas nécessaire d'interdire aux Juifs l'accès de la forêt allemande.
Goering : Bien, nous mettrons à la disposition des Juifs une certaine partie de la forêt. On prendra soin d'y faire venir les différents animaux qui ressemblent bougrement aux Juifs, le cerf a également un nez bien crochu.
Goebbels : Ensuite, il ne faut pas que les Juifs puissent se pavaner dans les jardins allemands. À ce propos, je signale la propagande chuchotée des Juives dans les jardins du Fehrbelliner Platz. Il existe des Juifs qui n'ont pas tellement l'air juif. Ils s'assoient à côté des mères allemandes et des enfants allemands et commencent à rouspéter et à empester l'atmosphère.
Goering : Ils ne disent pas du tout qu'ils sont Juifs.
Goebbels : J'y vois un danger tout particulièrement grave. J'estime nécessaire de mettre à la disposition des Juifs certains squares sûrement pas les plus beaux et de dire : les Juifs ont le droit de s'asseoir sur ces bancs. Ceux-ci sont marqués d'une manière spéciale. Il est écrit dessus : pour les Juifs seulement ! Autrement ils n'ont rien à chercher dans les jardins allemands. Finalement il faut s'occuper de ceci : il se présente aujourd'hui encore des cas où les enfants juifs vont dans les écoles allemandes. J'estime qu'il est impossible que mon garçon soit assis à côté d'un Juif dans un lycée allemand et se voie enseigner l'histoire allemande. Il est absolument indispensable d'éloigner les Juifs des écoles allemandes, et de les laisser se charger eux-mêmes d'élever dans leurs communautés leurs enfants.
DES FEMMES ALLEMANDES EN RÉSISTANCE CONTRE LE NAZISME
Adolf Hitler rencontre des filles allemandes après son entré au pouvoir
Il y a bien eu une autre Allemagne que celle du nazisme. Les Résistances ont regroupé tous ceux hommes et femmes qui, avec désespoir se sont opposés à la tyrannie suivant la définition de Willy Brandt, de son vrai nom Herbert Fram, lui-même résistant. Ces oppositions et ces résistances ont été précoces. Elles se sont développées dès 1933 dans des conditions dramatiques compte tenu de la violence de l'Etat. La Résistance allemande a dû affronter douze années de régime totalitaire. C'est long et il y a là de nombreux motifs de découragement, sans compter la sévérité de la répression. Enfin, à la différence des autres mouvements de résistance européens, la Résistance allemande n'a pu compter sur aucun appui extérieur. Si, contrairement aux Françaises, elles sont citoyennes à part entière depuis 1919 par l'obtention du droit de vote, le régime nazi les cantonne dans les trois (K): Kinder, Küche, Kirche (enfant, cuisine, église). Les femmes allemandes de bon sang sont sommées de devenir mères.
Des femmes résistent dès 1933
Liselotte Hermann 1906-1938
Toutes les Allemandes ne sont pas nazies. Nombreuses sont celles qui s'opposent au régime hitlérien et qui aident les exclus du régime et les persécutés. L'entraide, ce qu'on appelle la Résistance humanitaire, est un domaine où les femmes ont été particulièrement actives.
Les femmes de l'Association Saint-Raphaël de l'église catholique, autant que celles de la Bekennende Kirche, l'église confessante fondée par des pasteurs pour s'opposer à la persécution des juifs et préserver leur indépendance spirituelle et intellectuelle, ont aidé les juifs chrétiens en les cachant.
Le fait le plus connu sans doute, est cette manifestation retentissante d'épouses aryennes de Juifs à Berlin fin février 1943, parfois accompagnées de leurs enfants, qui eut pour résultat la libération de leurs maris et pères.
La résistance politique des femmes n'est pas forcément différente de celle des hommes si ce n'est qu'elles ont peut-être une capacité plus grande que les hommes à échapper aux poursuites de la Gestapo. La police, du moins au début, s'en méfie moins. Dans tous les domaines, l'action des femmes contre le nazisme a été réelle et précoce.
L'exemple de Liselotte Herrmann est significatif. Jeune étudiante communiste et jeune mère, elle proteste ouvertement contre la prise du pouvoir par Hitler, ce qui lui vaut son renvoi de l'université de Berlin. Elle s'installe alors dans le Wurtemberg et participe à différentes actions de résistance. Avec des amis, elle parvient à faire passer à l'étranger des informations sur le réarmement national-socialiste.
Elle est arrêtée en décembre 1935 et condamnée à mort avec deux de ses amis en été 1937. Elle est exécutée le 20 juin 1938 à la prison de Berlin-Plötzensee, malgré des protestations du monde extérieur. Elle est la première mère exécutée. Elle laisse derrière elle un petit garçon qui sera élevé par les parents de Liselotte.
Le régime ouvre alors des lieux spéciaux pour l'internement des femmes. Un premier camp de concentration est mis sur pied en 1933 à Moringen puis transféré à Lichtenburg en 1938. Le camp de Ravensbrück est ouvert en 1939, puis en 1941, d'autres camps se dotent de leur section de femmes: Auschwitz-Birkenau et Gross Rosen. Le célèbre Chant des Marais composé par des internés politiques du camp de concentration de Börgemoor, a été transmis en septembre 1939 grâce à vingt femmes de la ville de Düsseldorf, filles et épouses de déportés, qui avaient organisées un voyage au camp pour y voir leurs pères et maris.
Résistance en Allemagne pendant la guerre.
Libertas Schulze-Boysen 1913-1942
Pendant la guerre, une résistance plus typiquement féminine se développe du fait de la mobilisation des hommes. Chaque groupe, cercle et mouvement a compté de nombreuses femmes qui y ont fait un travail identique aux hommes: information, propagande, renseignement, entraide.
Tel est le cas du Cercle de Kreisau avec Freya von Moltke, de l'Orchestre Rouge au sein duquel les femmes des deux initiateurs, Mildred Harnack-Fish et Libertas Schulze-Boysen, mères de familles, ont payé de leur vie leur engagement.
Maria Terwiel, dont la mère est d'origine juive, a dû abandonner ses études. Secrétaire dans une entreprise textile, elle entre en contact avec le groupe du capitaine Schulze-Boysen et fait connaître le sermon de l'évêque de Munster, Clemens von Galen, qui condamne l'extermination des malades mentaux. Elle aide aussi les juifs en danger par l'obtention de passeports. Arrêtée, elle est exécutée le 5 août 1943.
Au sein du mouvement de La Rose Blanche, Sophie Scholl, 20 ans, jeune étudiante en philosophie, est tout autant impliquée dans l'action que l'ensemble du groupe qui rassemble son frère Hans, Alexandre Schorell, Christopher Probst et leur professeur Kurt Hüber. Elle sera exécutée en compagnie de son frère, le 22 février 1943.
Il ne faut pas oublier non plus, le rôle des épouses des conjurés de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, et qui ont payé un lourd tribu à la répression. Environ 600 personnes, auteurs de la conjuration, familles, amis, ont été arrêtées et dont les enfants ont été soustraits de force à leurs parents.
Lutter malgré l'exil
Des femmes ont choisi l'exil pour poursuivre la lutte. De 1933 à 1939, 500 000 Allemands ont fui à l'étranger. Parmi eux, Dora Schaul, émigrée en France depuis 1934, est internée à Rieucros (Lozère) en octobre 1939 parce qu'elle est étrangère et communiste.
Elle tombe sous le coup de la législation d'exception mise en place par le gouvernement d'Edouard Daladier. Elle s'est mariée dans le camp avec Alfred Benjamin qui est incorporé dans un groupe de travailleurs étrangers.
Édouard Daladier 1884-1970
Elle réussit à s'évader en juillet 1942, et grâce au réseau clandestin allemand du Deutsch-Arbeit (Travail allemand), elle opère pour la Résistance au sein de la Deutsche-Feldpost (Poste allemande) installée dans une aile de l'École de Santé militaire à Lyon. À la fin de la guerre, elle repart s'installer définitivement en Allemagne son pays d'origine.
Hilde Meisel (alias Hilda Monte), d'Angleterre, tente d'organiser une résistance internationale contre le régime nazi dès l'arrivée d’Hitler au pouvoir en janvier 1933. Juive, elle connaît les risques qu'elle encourt. Par ses écrits, elle sensibilise grâce à la Ligue Internationale du combat socialiste, des amis politiques de différents pays, y compris en Allemagne. Elle publie un livre: The Unity of Europe.
Sous le pseudonyme de Hilda Monte (son vrai nom est Hilda Meisel), elle fait parvenir à ses amis politiques en Allemagne des publications et informations. Elle réussit à pénétrer en Allemagne et en Autriche. Elle est abattue le 17 avril 1945 par une patrouille SS sur le chemin la reconduisant en Suisse.
Anna Freud 1895-1982
Anna Freud, fille de Sigmund Freud et elle-même psychanaliste, est réfugiée à Londres. Pour manifester sa reconnaissance, elle ouvre en octobre 1940, peu après les premiers bombardements, les Hampstead nurseries, foyers d'asile où sont accueillis les enfants sinistrés de la guerre.
Selon les rapports de la Gestapo, la participation globale des femmes à la Résistance aurait été de 15%. Si elles ont été une minorité, leur résistance est synonyme d'actes d'héroïsme contre le régime de la terreur, allant souvent jusqu'au sacrifice suprême.
Les formes de résistance ont été multiples: désobéissance civile, résistance humanitaire, résistance religieuse ou politique. Les résistantes allemandes et les résistants allemands ont contribué à reconstruire une autre Allemagne.
Käthe Niederkirchner 1909-1944
Né à Berlin, Käthe Niederkirchner était la fille d'un tuyauteur et communiste officielle des syndicats, Michael Niederkirchner. Elle a appris le métier de tailleur. En 1925, elle rejoint la Jeunesse communiste de la Fédération et en 1929 le Parti communiste allemand (KPD). En 1933, elle émigre à l'Union soviétique avec sa famille et a continué à travailler comme tailleur tout en fréquentant des cours de plusieurs études. Son frère aîné Paul a été arrêté par les services secrets soviétiques en 1939 et ont péri dans Boutyrka prison à Moscou. Après l'invasion allemande de l'Union soviétique, Käthe Niederkirchner volontaire pour l'action en Allemagne. Le 7 octobre, 1943, Wilhelm Pieck et le fils-frère, Theodor hiver, parachutés d'un avion soviétique, l'atterrissage en Pologne. Ils étaient censés entrer en contact avec les communistes à Berlin, mais ont été découverts sur le chemin de la ville. Theodor hiver a été exécuté par un peloton d'exécution dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Käthe Niederkirchner a été exécuté par un peloton d'exécution dans le camp de concentration de Ravensbrück dans la nuit du 27-28 septembre 1944.
RÉSISTANCE ALLEMANDE AU NAZISME
la résistance intérieur
La résistance allemande au nazisme (1933-1945), longtemps méconnue hors d'Allemagne, s'est manifestée sous diverses formes, en provenance de tous les milieux politiques, sociaux et confessionnels, quoique les communistes aient organisé les groupes de résistance active les plus importants.
On distingue plusieurs formes de résistance au nazisme à l'intérieur de l'Allemagne même et des territoires annexés. Ses éléments les plus connus, bien que d'importance numérique très différentes, sont l'organisation communiste Orchestre rouge, le groupe d'étudiants chrétiens de La Rose blanche à Munich, ou le regroupement très informel des groupes de la Rose blanche de Hambourg, et la résistance militaire.
Hermann Goering, Martin Bormann et Bruno Loerzer dans les décombres de la salle de conférence de la Wolfsschanze, à la suite de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler.
Bruno Loerzer 1891-1960
Phénomène de masse
Les statistiques de l'appareil répressif nazi, en particulier de la Gestapo et des divers tribunaux, donnent une idée de l'ampleur de la résistance allemande au nazisme :
De 1933 à 1939, 225 000 personnes sont condamnées pour motifs politiques à des peines de prison plus ou moins longues et 1 000 000 d'Allemands et d'Allemandes sont envoyés dans les camps de concentration pour les mêmes raisons.
Pour la seule année 1933, le journaliste Curt Bley compte 100 000 personnes ayant exercé une activité antinazie réelle.
Au cours de l'année 1941, 11 405 opposants de gauche sont arrêtés par la Gestapo.
En 1944, environ 500 000 personnes sont arrêtées, dont une forte proportion d'étrangers.
De 1933 à 1945, 32 500 personnes sont condamnées à mort et exécutées, la plupart du temps pour motifs politiques.
Pour la seule période allant du 30 janvier 1933 au printemps 1936, 1 359 personnes sont assassinées par des agents du régime nazi.
Vers 1935-1936, la Gestapo estime qu'il existe 5 708 centres clandestins diffusant des tracts, affiches et brochures.
En 1936, elle saisit 1 643 200 tracts du Parti socialiste (SPD) et du Parti communiste (KPD), et encore 927 430 l'année suivante.
Cependant, jamais la résistance allemande n'a pu avoir un impact suffisant pour déstabiliser à elle seule le régime nazi.
Elle a en revanche réussi à influencer l'opinion, à assister les troupes alliées (en particulier les troupes soviétiques), à affaiblir l'appareil de la Gestapo et du NSDAP, à organiser des grèves dures, à assassiner des cadres militaires et politiques nazis et à assurer la survie de plusieurs centaines de milliers de militants du mouvement ouvrier allemand.
Résistance sociale-démocrate (SPD)
La chasse aux sociaux-démocrates dès le début du régime nazi a d'emblée réduit la résistance sociale-démocrate qui mettra donc du temps à s'affirmer. La répression s'abat dès le début du régime. En juin 1933, pendant la semaine sanglante de Köpenick, les arrêtent plus de 500 militants socialistes et communistes dans ce quartier ouvrier de Berlin ; beaucoup sont torturés ou tués. En 1936, 1 687 militants sociaux-démocrates sont arrêtés, et 8 058 en 1937. Plusieurs milliers de procès sont intentés pendant toute la période nazie, et sont souvent collectifs, comme celui de l'organisation Spengemann, en octobre 1938, où comparaissent 240 accusés. Soixante-deux députés SPD sont assassinés, cinquante-quatre partent en exil. Quelques mouvements de résistance sociale-démocrate :
Direction du SPD, exilée à Prague (Sopade). Le 8 janvier 1934, elle publie le Manifeste de lutte du socialisme révolutionnaire.Groupes de jeunesses socialistes (à Francfort par exemple).
Revue clandestine de jeunes socialistes : Blick in die Zeit.
Groupe Roter Stoßtrupp (novembre 1933, dure peu de temps) : Rudolf Küstermeier et Karl Zinn.
Groupe Neu Beginnen. Créé dès 1929, se rapproche du Volksfront, alliance éphémère de communistes et de sociaux-démocrates (novembre 1935). Programme commun des deux en 1938 (Deutsche Freiheit). Démantelé par la police de 1938 à 1944.
Sociaux-démocrates participants à la tentative de putsch du 20 juillet 1944 : Julius Leber, Theodor Haubach, Carlo Mierendorff et Adolf Reichwein.
Résistance socialiste indépendante du SPD
Parti SAP (Sozialistische Arbeiterpartei) (créé en 1931). Parmi ses membres : Fritz Bauer, Willy Brandt. Relié à l'étranger (direction en exil à Paris). Le SAP diffusait clandestinement le journal Das Banner der revolutionären Einheit.
Parti Internationaler Sozialistischer Kampf-Bund (ISK). Fondé par Leonhard Nelson. Membres : Willy Eichler dirige une antenne à Paris de 1933 à 1940, puis à Londres (informations à la BBC en direction de l'Allemagne).
Résistance communiste (KPD)
Les communistes sont une cible prioritaire de la répression nazie. Ainsi, cinquante-sept députés de la KPD sont assassinés, vingt prennent le chemin de l'exil pour échapper à ce sort. Pour autant, la KPD clandestine reste forte, puisque 70 % des tracts et brochures saisis par la Gestapo en 1937 sont imprimés par des militants communistes.
L'entrée en guerre contre l'URSS en juin 1941 va relancer la résistance communiste, réanimée par des agents soviétiques (surtout des Allemands exilés).
L'Orchestre rouge
En 1942, deux groupes communistes séparés se créent, connus sous le nom commun de Rote Kapelle (Orchestre rouge) qui reste le nom le plus connu de la résistance communiste contre le nazisme.
Le premier Orchestre rouge était un réseau d'espionnage basé à Berlin et coordonné par Leopold Trepper (agent duNKVD envoyé en Allemagne en octobre 1941). Ce groupe agit en France en coordination avec le PCF clandestin. Ils purent écouter les lignes téléphoniques de l'Abwehr à Paris. Trepper fut arrêté et le groupe éclata au printemps 1943.
Le second et principal Orchestre rouge était un groupe de résistance d'origine allemande, pas contrôlé par le NKVD, et d'obédience communiste (mais tous n'étaient pas communistes).
Membres de groupe :
Chef 1 : Harro Schulze-Boysen (officier de renseignement au ministère de l'Air du Reich, communiste).
Chef 2 : Arvid Harnack (haut fonctionnaire au ministère de l'Économie, communiste).
Adam Kuckhoff (producteur de théâtre).
Günther Weisenborn (auteur).
John Graudenz (journaliste).
Helmut Roloff (pianiste).
Ce groupe rassemblait des informations sur les crimes nazis et distribuait des tracts antinazis. À partir de la fin de l'année 1941, l'organisation Harnack/Schulze-Boysen coopéra avec les bureaux des renseignements soviétiques de Paris et Bruxelles. Il transmettait aussi des informations à l'étranger à travers l'ambassade américaine et indirectement à l'URSS. Le groupe a été arrêté par la Gestapo en août 1942.
Résistance communiste issue du KPD
Les groupes les plus connus sont :
L'Aide Rouge (Die Rote Hilfe)
Organisation communiste fondée en 1924 par le KDP.
Activité : soutient les persécutés du régime national-socialiste.
Issue : organisation interdite en 1933 et dissoute en 1936 par les Nazis.
Wilhelm Knöchel 1899-1944
Le groupe de Wilhelm Knöchel (Ruhr) (1941-1943)
Fondé en 1941 par Wilhelm Knöchel (qui dirige depuis 1935 le comité exilé du KPD à Amsterdam et rentre en 1941 en Allemagne pour réorganiser la résistance dans la Ruhr).
Activité : diffusion du journal antinazi Le Combattant de la Paix (Der Friedenskämpfer).
Issue : Wilhelm Knöchel est arrêté par la Gestapo en 1943 et exécuté en 1944, et son groupe démantelé. Une cinquantaine de résistants du groupe sont arrêtés et tués.
Le groupe de Josef (Beppo) Römer (1940-1942)
Fondé par Josef Römer (qui avait publié à la fin des années 1920 un journal communiste, Aufbruch, et est déporté de 1933 à 1939).
Activité : Josef Römer tente d'organiser un attentat contre Hitler et contacte les cercles de résistance d'Adam von Trott zu Solz et Robert Uhrig. En 1940, Römer diffuse le journal clandestin Informationsdiens.
Issue : Josef Römer est arrêté en 1942 et exécuté en 1944.
Werner Seelenbinder 1904-1944
Le groupe de Robert Uhrig (Berlin) (1938-1942)
Fondé en 1938 à Berlin par Robert Uhrig (déjà arrêté en 1934 pour activité clandestine). Groupe de 100 membres en 1940 et 200 en 1942.
Activité : formation des groupes de résistants communistes au sein des entreprises, tentative de créer un service de renseignements avec d'autres mouvements, notamment Harnack/Schulze-Boysen.
Issue : organisation démantelée par la Gestapo en 1942. Une centaine de résistants (dont Robert Uhrig, Werner Seelenbinder) sont arrêtés, déportés en camp de concentration, et exécutés en 1944. Les survivants rejoignent le groupe d'Anton Saefkow.
Le groupe de Walter Budeus (Berlin) (1936-1942)
Fondé en 1936 par Walter Budeus dans l'entreprise où il travaille (Berlin). Groupe d’une cinquantaine de résistants.
Activité : collecte d’informations sur l'industrie de guerre, diffusion de tracts. Contact à la fin des années 1930 avec les groupes de Robert Uhrig et Beppo Römer.
Issue : Walter Budeus est arrêté en 1942 et condamné à mort en 1944.
Le groupe de Bernhard Bästlein, Oskar Reincke et Franz Jacob (Hambourg) (1941-1944)
Fondé en 1941-1942 par Bernhard Bästlein, Oskar Reincke et Franz Jacob au sein des chantiers navals de Hambourg.
Activité : diffusion de tracts, envoi des lettres aux soldats stationnés au front de l'Est pour les inciter à refuser de combattre. En contact avec d'autres mouvements de résistance, notamment l'organisation Harnack/Schulze-Boysen.
Issue : arrêtés par la Gestapo en 1943 puis 1944. Une soixantaine de résistants exécutés en 1944-1945.
Le groupe d'Anton Saefkow et Franz Jacob (Berlin) (1943-1944)
Fondé en 1943.
Activité : diffusion de tracts, en contact en 1944 avec Julius Leber et Adolf Reichwein, résistants sociaux-démocrates membres du complot du 20 juillet 1944.
Issue : la Gestapo arrête en juin 1944 Anton Saefkow, Franz Jacob, Julius Leber et Adolf Reichwein. Des centaines de résistants de ce groupe sont arrêtés et assassinés.
Le groupe de Theodor Neubauer et Magnus Poser (Thuringe) (1942-1944)
Fondé en 1942 par Theodor Neubauer (qui était déjà passé par des camps de concentration).
Activité : en contact avec d'autres groupes de résistance, par exemple avec un groupe de l'université d'Iéna, ainsi qu'avec un groupe du camp de concentration de Buchenwald, envoi de nourriture, de tracts et d’armes aux prisonniers.
Issue : Theodor Neubauer est arrêté en 1944 et exécuté en 1945.
Harro Schulze-Boysen
Le groupe de Georg Schumann et Otto Engert (Leipzig) (1943)
Fondé vers 1943.
Activité : ambition d’unifier les divers mouvements de résistance communistes, donc en contact avec les groupes de Harro Schulze-Boysen, de Theodor Neubauer et Magnus Poser, d’Anton Saefkow, mais aussi avec des prisonniers de guerre russes et des travailleurs de force étrangers.
Issue ?
L'organisation Allemagne libre (Freies Deutschland) (1943)
Fondé à Cologne en 1943 par un réseau de résistants communistes. Groupe de plus de 200 membres de toutes idéologies.
Activité : diffusion de tracts incitant à des sabotages et des désertions, aide aux travailleurs de force étrangers prisonniers en Allemagne.
Issue : la Gestapo arrête de nombreux membres du groupe, qui se disloque.
Comité national de l'Allemagne libre (NKFD 1943).
Fondé à Moscou 12 juillet 1943, à Krasnogorsk (à proximité de Moscou), par le comité central du KPD exilé en URSS et des militaires faits prisonniers de guerre après la capitulation de la 6e armée à Stalingrad. Le poète Erich Weinert présidait le comité, composé également de membres influents du parti comme Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, futurs dirigeants de la RDA. Président du comité : Erich Weinert, écrivain allemand.
Activité : détourner les prisonniers de guerre allemands du nazisme et encourager les soldats allemands (de toutes idéologies) à déserter ou à se rendre à l'Armée rouge. Le Comité prétendait lutter pour la chute d'Hitler et du national-socialisme, censés mener l'Allemagne à sa destruction, et militer pour une Allemagne libre et indépendante dans les frontières de 1937. En RFA, l'historiographie a souvent décrit le mouvement comme une trahison de l'Allemagne plus ou moins forcée par les Soviétiques. En RDA au contraire, le mouvement était célébré comme la véritable résistance au nazisme avec le KPD comme avant-garde. D'autres mouvements comme Allemagne Libre (Freies Deutschland) sont fondés sur le modèle du NKFD en août et septembre 1943 en France, Belgique et Suisse par des exilés communistes allemands, souvent résistants et vivant dans la clandestinité dans les deux premiers pays et souvent internés en camps pour réfugiés et agissant clandestinement pour le troisième.
Résistance communiste indépendante du KPD
Les groupes les plus connus sont :
Parti communiste d'Allemagne oppositionnel, (KPO)
Fondé en 1928 par exclusion de militants du KPD critiques. Après 1933 : fonde en France un comité exilé (Auslandskomitee, AK) en contact, grâce à un réseau de messagers, avec les résistants du KPO en Allemagne.
Activités : information sur le régime hitlérien, former avec les résistants exilés une union des travailleurs contre le nazisme, diffusion de tracts, création des cellules syndicales clandestines.
Issue : bien organisé, semble avoir échappé à la Gestapo.
L'Orchestre rouge (die Rote Kapelle) : lire plus haut.
Le groupe d’Herbert et Marianne Baum (Berlin) (1938-1942)
Fondé en 1938-1939 par Herbert Baum (électricien juif) et sa femme Marianne (qui luttaient depuis 1933 au sein des jeunesses communistes) avec des adolescents juifs proches du communisme. Jusqu'à 100 membres.
Activité : jusqu'en 1941, c'est un groupe d'études. À partir de 1941, il entre dans la résistance active : diffusion de tracts antifascistes et, en mai 1942, attaque (désordonnée) contre le centre de propagande antisoviétique (Das Sowjetparadies) de Lustgarten (Berlin).
Issue : arrestations en 1942. Donc de très nombreux morts par exécution (une vingtaine), suicide (Herbert Baum) et en camp de concentration. Mais aussi déportation en camp de concentration de 500 juifs berlinois à titre de représailles.
Les RKD (Communistes révolutionnaires d'Allemagne).
Les groupes communistes de conseils issus du Parti communiste ouvrier d'Allemagne (KAPD, créé en 1920) : Kommunistische Räte-Union et Rote Kämpfer.
Résistance protestante
Le régime nazi tenta d'embrigader les protestants à travers le mouvement des Chrétiens allemands qui prend le pouvoir au sein de l'Église protestante du Reich constituée en 1933. Des initiatives de résistance voient le jour en opposition à cette mainmise.
Martin Niemöller 1892-1984
Ligue d'urgence des pasteurs de Martin Niemöller
La Ligue d'urgence des pasteurs (Pfarrernotbund) du pasteur Martin Niemöller, créée en 1933, est l'organisation de résistance protestante la plus importante. Localement, il s'agira de conseils de frères (Bruderräte), rassemblées en un Conseil de frères du Reich (Reichsbruderrat), qui s'unit aux synodes libres.
Lors du deuxième synode libre national (1934), les opposants créent une Église confessante (Bekennende Kirche). Ses personnalités sont Friedrich Weißler (juriste, mort déporté en 1937), le pasteur Paul Schneider (mort déporté en 1939).Theophil Wurm (évêque du Wurtemberg), prend la succession de Niemöller à la tête de l'Église confessante. Il entre en contact avec Friedrich Bonhoeffer, avec le groupe de Carl Goerdeler et avec le Cercle de Kreisau.
Autres organisations protestantes
Heinrich Grüber 1891-1975 Werner Sylten 1893-1942
Bureau Grüber (1938) : soutient les protestants d'origine juive. Chef : pasteur Heinrich Grüber (déporté), Werner Sylten (protestant d'origine juive, mort déporté).
Le pasteur Dietrich Bonhoeffer s'oppose au nazisme dès 1933. Il organise le séminaire semi-clandestin de l’Église confessante allemandedans la localité de Finkenwalde (aujourd'hui Zdroje), un quartier de Stettin (aujourd'hui Szczecin). En contact via son beau-frère Hans von Dohnányi avec le groupe de résistance de Hans Oster, il est proche du groupe des conjurés de l'attentat contre Hitler du 20 juillet 1944. Arrêté en avril 1943, il est exécuté en avril 1945. Ses réflexions théologiques, particulièrement celles sur le christianisme sans religiosité consignées dans son journal de captivité Résistance et Soumission, eurent un impact important sur la théologie protestante d'après-guerre.
Pasteur Helmut Gollwitzer (Berlin).
Pasteur Paul Gerhard Braune, qui s'opposa à l'extermination (dite euthanasie des malades mentaux, asociaux et anti-sociaux, intervint auprès de la chancellerie du Reich en faveur des chrétiens non aryens, protégea les déserteurs et les homosexuels.
Résistance catholique
Hitler tente de se concilier les catholiques avec le concordat signé avec le Pape en 1933. Mais, en tant que minorité, les catholiques furent souvent portés à la résistance antinazie. Avant même 1933, les bastions électoraux du parti catholique Zentrum étaient les moins perméables à la propagande nazie.
Autorités officielles de l'Église catholique
Pie XI (Ambrogio Damiano Achille Ratti) 1857-1939
Encyclique Mit brennender Sorge du pape Pie XI (14 mars 1937), parvenue secrètement en Allemagne, lue en chaire dans toutes les églises d'Allemagne le 21 mars 1937, dimanche des Rameaux. Cette encyclique a été publiée volontairement par le Vatican en allemand. Elle est distribuée dans les églises et diffusée dans la presse le 22 mars 1937. Les nazis déportent aussitôt 306 prêtres au Camp de concentration de Dachau.
Konrad von Preysing (évêque de Berlin) : un des rares évêques ouvertement antinazi.
Erich Klausener (directeur de l'action catholique de l'évêché de Berlin) organise une énorme messe en plein air, puis est assassiné le 30 juin 1934.
Michael von Faulhaber (archevêque) proteste en 1940 auprès du ministre de la Justice au sujet de l'assassinat des invalides et des malades mentaux.
Clemens August von Galen (évêque de Münster) proteste officiellement en 1934 contre Alfred Rosenberg (théoricien du nazisme païen). En 1941, il condamne en chaire l'assassinat des malades mentaux et des invalides. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 9 octobre 2005.
Mühler (ancien dirigeant de l'action catholique de Munich) est arrêté en 1933 pour avoir parlé du camp de concentration de Dachau.
Bernhard Lichtenberg (prieur de la cathédrale de Berlin) appelle au lendemain de la Nuit de cristal (novembre 1938) à prier pour les Juifs et les prisonniers des camps de concentration (il est mort déporté en 1943). Il a été béatifié par Jean-Paul II le 23 juin 1996 dans le stade olympique de Berlin en même temps que Karl Leisner.
Karl Leisner, diacre ordonné le 25 mars 1939 en vue du sacerdoce arrêté par la Gestapo le 8 novembre 1939. Le 17 décembre 1944, dans le bloc 26 du camp de concentration de Dachau, Mgr Gabriel Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, détenu lui aussi, ordonne Karl Leisner prêtre. Celui-ci est presque mourant. Il est libéré par l'armée américaine le 4 mai 1945 et part au sanatorium de Planegg (près de Munich) où il meurt le 12 août 1945. Il été béatifié par Jean-Paul II à Berlin en 1996 avec Bernhard Lichtenberg.
Organisations et groupes catholiques
Hans Scholl 1918-1943 Sophie Magdalena Scholl 1921-1943
La plus connue de ces organisations est le mouvement de La Rose blanche (notamment représentés par Hans et Sophie Scholl), qui distribuait des tracts antinazis dans les lycées et à travers toute l'Allemagne.
Indépendamment du précédent, le mouvement plus informel de la Rose blanche de Hambourg comprend des membres chrétiens convaincus, mais aussi des juifs et des socialistes.
Membre du Zentrum : le père jésuite Max Pribilla, Fritz Gerlich et Ingbert Naab dans la revue catholique Der Gerade Weg, Bernhard Letterhaus, Erich Klausener, chef de l'Action catholique, Kuno Kamphausen et Adalbert Probst, responsables d'associations catholiques de jeunesse (exécutés lors de la Nuit des Longs Couteaux), Gustav von Kahr, ancien commissaire de l'État de Bavière.
Comité d'aide aux non aryens catholiques (créé 22 mars 1935) pour aider les catholiques d'origine juive.
Junge Front : journal des jeunesses catholiques réservé face aux nazis donc interdit de publication à plusieurs reprises puis définitivement en janvier 1936. Peu après, 50 dirigeants de mouvements catholiques sont arrêtés.
Émission radio catholique clandestine de Walter Klingenbeck (1941) (exécuté en 1943). Autres membres : Daniel von Recklinghausen et Hans Haberl.
Revue Der Gerade Weg : Konrad Graf von Preysing, Fritz Gerlich (assassiné 1934), Ingbert Naab. Parmi les conjurés du 20 juillet 1944 : les pères jésuites Alfred Delp, Lothar König et Augustin Rösch.
L'opposition catholique put relever la tête début 1944, alors que le soutien au régime nazi s'effondrait dans la population. Le parti catholique centriste Zentrum s'étant volontairement sabordé en 1933 (et non pas détruit par les nazis comme le SPD et le KPD), il avait pu se poursuivre à travers des groupes informels et put donc renaître. Ses chefs, Jakob Kaiser et Max Habermann décident de passer à l'action début 1944. Ils réactivent les réseaux du Zentrum dans l'attente du coup d’État du 20 juillet 1944 contre Hitler.
Initiatives individuelles catholiques
Le père Eckert protesta alors au nom de l'éthique chrétienne contre la persécution des Juifs.
Père Rupert Mayer (jésuite) : sermons critiques.
Père August Froehlich proteste et de la dignité des ouvriers polonais maltraités (mort déporté en 1942).
Père Joseph Lenzel assassiné par les nazis pour sa protection des lois et de la dignité des ouvriers polonais maltraités (mort déporté en 1942).
Père Albert Willimsky proteste et de la dignité des ouvriers polonais maltraités (mort déporté en 1940).
Père Muckermann, exilé aux Pays-Bas, diffuse des tracts condamnant le nazisme et la politique d'Hitler.
Margarete Sommer (universitaire) aide des catholiques d'origine juive.
Gertrud Luckner (qui travaillait pour l'organisation de bienfaisance catholique Caritas) aide des prisonniers de guerre et des Juifs. Elle sera déportée.
Franz Reinisch (prêtre) est exécuté en 1941 après avoir refusé de prêter serment à Hitler.
Max Josef Metzger (prêtre) est exécuté en 1943 pour pacifisme.
Nikolaus Gross laïc, syndicaliste, exécuté en 1945, béatifié par Jean-Paul II.
Hermann Josef Wehrle
Gereon Goldmann aurait agi en solo puis aurait été contacté par un réseau.
Les anarcho-syndicalistes de la FAUD
Lors de son dernier congrès national, à Erfurt en mars 1932, l'Union libre des travailleurs allemands (Freie Arbeiter-Union Deutschlands, FAUD) décide qu’en cas de prise de pouvoir par les nazis son bureau fédéral à Berlin serait dissous, qu’une direction clandestine serait mise en place à Erfurt et qu’elle riposterait par une grève générale immédiate. Cette dernière décision ne put être mise en pratique : partout, en Allemagne, la FAUD est décimée par des vagues d’arrestations.
Les anarcho-syndicalistes combattent les nazis de manière violente avec les Schwarze Scharen (Foules noires), une milice d'environ 500 membres.
Les anarcho-syndicalistes en exil fondent en 1933-1934 le groupe « Deutsche Anarcho-syndikalisten » (DAS, Anarcho-syndicalistes allemands) avec un bureau à Amsterdam.
Jusqu'en 1935, la FAUD organise un réseau d’évacuation de militants vers la Hollande, réseau qui sert aussi à introduire en Allemagne de la littérature antinazie.
En 1936, beaucoup de militants partent en Espagne pour participer à la révolution sociale. Le bureau de Barcelone de la DAS comprend une vingtaine d'entre eux comme Helmut Rüdiger, Augustin Souchy, mais aussi des intellectuels allemands comme le critique littéraire Carl Einstein.
En 1937, deux cents militants anarcho-syndicalistes sont arrêtés, par la Gestapo, pour leurs activités syndicales clandestines. Les hommes arrêtés sont tous des partisans convaincus du mouvement anarcho-syndicaliste, écrit dans son rapport le policier chargé de coordonner l’action, et il ajoute cette remarque lourde de menaces : Ils sont tellement convaincus de la justesse de leurs idées qu’ils ne pourront que difficilement être rééduqués pour devenir des membres utiles à la communauté du peuple allemand.
Julius Nolden, ouvrier métallurgiste et militant anarcho-syndicaliste de la FAUD, est une figure de premier plan de la résistance anti-nazie en Rhénanie. Le 5 novembre 1937, il est condamné par le Tribunal du peuple de Berlin à une peine de dix ans de réclusion pour préparation d'une entreprise de haute trahison avec circonstances aggravantes. Il purge sa peine dans le pénitencier de Lüttringhausen jusqu'à sa libération par les Alliés le 19 avril 1945.
Résistance militaire
L'indépendance de l'Armée a été fortement réduite en 1938 lorsque le ministre de la Défense, le général Werner von Blomberg, et le chef de l'armée, le général Werner von Fritsch, ont tous deux été révoqués par le régime nazi. Cependant, les éléments résistants se maintinrent au sein de l'armée. En particulier, certains militaires ont œuvré contre le régime nazi, d'abord en faisant de l'espionnage en faveur des Anglais et Américains, puis en tentant d'assassiner Hitler. Ce groupe, nommé par la Gestapo la Schwarze Kapelle (l'orchestre noir en allemand) comprend notamment des membres des services secrets, des officiers actifs et d'autres qui ne l'étaient pas ou plus (comme Ludwig Beck, qui avait démissionné, ou Erwin von Witzleben, confronté à des soucis de santé).
Plus que les craintes sur l'indépendance de l'armée, le principal moteur de la résistance militaire a été l'analyse froide et professionnelle des rapports de forces et de la situation militaire globale dans laquelle se trouve l'Allemagne à partir de l'été 1943.
Composition
La résistance militaire est constituée d'un entrelacs de réseaux familiaux et mondains hérités de la période précédente et de militaires ayant analysé de manière professionnelle les évolutions du conflit à partir de 1942. Soudés par l'opposition à la fois à la République et la formulation de réserves envers le IIIe Reich, ces militaires peuvent néanmoins être classés en deux groupes définis par l'âge et le grade : Les généraux et maréchaux, qui ont connu l'empire, la Grande Guerre, qui ont perdu leur influence après 1938 et qui ont des idées conservatrices ; les officiers qui les entourent, plus jeunes, plutôt révolutionnaires conservateurs, plus ouverts quant à l'opportunité de nouer des contacts avec la résistance social-démocrate.
La résistance au sein des services secrets
Les services secrets formaient le principal centre d'opposition au régime. Par nature, ils pouvaient mener toutes sortes d'opérations incontrôlables par le régime. Les principaux résistants au sein des services secrets furent :
L'amiral Wilhelm Canaris, responsable de l'Abwehr, le service de renseignements de l'armée allemande, de janvier 1935 à février 1944, qui s'est clandestinement opposé aux menées nazies tout en restant loyal envers l'Allemagne. Cependant, il a deux puissants ennemis en Reinhard Heydrich et Heinrich Himmler. C'est la SS qui vient l'arrêter au lendemain de l'attentat contre Hitler du 20 juillet 1944. Il est exécuté le 9 avril 1945 au camp de concentration de Flossenbürg.
Le général Hans Oster, entré au service de renseignements de l'armée allemande en 1933, antinazi depuis 1934 et chef d'un des services de l'Abwehr à partir de 1938, était protégé par l'amiral Wilhelm Canaris. Il bâtit un vaste réseau clandestin de militaires antinazis. Dès 1936, Oster et Gisevius étaient persuadés que la seule solution était de tuer Hitler. Canaris, dont les papiers sont saisis après son arrestation, l'entraîne dans sa chute.
Hans-Bernd Gisevius (haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur) secondait Oster.
Hjalmar Schacht, le gouverneur de la Reichsbank, était en contact avec ce groupe d'opposants.
Le coup d’État avorté de 1938
Ernst von Weizsäcker 1882-1951
En mai 1938, les chefs de l'armée apprennent l'intention d'Hitler d'envahir la Tchécoslovaquie, risquant ainsi une guerre générale en Europe. Le chef d'état-major de l'Armée, le général Ludwig Beck, jugeait une telle guerre immorale et mauvaise pour l'Allemagne. Fait surprenant, Oster (chef des renseignements militaires allemands) et le général Beck (chef de l'armée allemande) envoient alors des émissaires à Paris et Londres pour conseiller aux démocraties occidentales de résister aux demandes d'Hitler. Von Weizsäcker (aux Affaires étrangères) envoie aussi des messages privés pour inciter le gouvernement britannique à la fermeté. Britanniques et Français ne sauront pas comment utiliser ces informations.
En août 1938, le général Beck exprima ouvertement son opposition à une guerre contre les Occidentaux au sujet de la Tchécoslovaquie. Hitler renvoya alors Beck, ce qui choqua le corps des officiers. Son successeur comme chef d'état-major de l'Armée, le général Franz Halder, resta en contact avec les opposants Beck et Oster, et disait en privé qu’Hitler était l'incarnation du mal.
En septembre 1938, un coup d'État militaire contre Hitler fut préparé avec la complicité du Generalfeld marschall Erwin von Witzleben, chef de la région militaire de Berlin. Le complot comprenait Oster, Gisevius, Schacht, Weizsäcker, Canaris et Halder. Le coup d'État devait intervenir dès qu'Hitler ferait un pas vers la guerre. Le chef de l'armée, le général Walther von Brauchitsch, fut au courant du complot, prévint qu'il ne le soutiendrait pas, mais ne dit rien à Hitler. Exemple du code du silence entre officiers.
Les conjurés espéraient lancer leur coup d'État à l'occasion de la crise des Sudètes entre l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Cependant, ces derniers acceptèrent un accord (les Accords de Munich) avec Hitler. La paix était sauvée. Hitler ne passait plus pour un fauteur de guerre. Les officiers avaient perdu leur prétexte pour le renverser. Il faudra attendre le 20 juillet 1944 pour retrouver un complot aussi avancé.
Les projets de putsch de 1939
Avec la remontée du risque de guerre mi-1939, Oster, toujours en contact avec Halder, Witzleben (qui n'est plus à Berlin, ce qui complique les choses), Goerdeler, tente de relancer le projet de putsch. Mais il apparaît que les officiers sont beaucoup moins prêts à suivre. En particulier, les officiers prussiens sont séduits par le projet d'Hitler de reprendre Dantzig et la Haute-Silésie à la Pologne.
Nevile Henderson 1882-1942
Fait toujours extraordinaire, les chefs de l'armée continuent cependant de vouloir éviter la guerre et pressent la France et la Grande-Bretagne de montrer leur fermeté face à Hitler : Halder rencontre secrètement l'ambassadeur britannique Sir Nevile Henderson pour l'inciter à la résistance. L'objectif était toujours de lancer un coup d’État quand Hitler déclarerait la guerre. Mais Schacht, Gisevius et Canaris n'arrivent pas à obtenir une décision ferme de coup d'État de la part de Brauchitsch et Halder. Quand Hitler attaqua la Pologne le 1er septembre, les conspirateurs furent incapables d'agir.
Le déclenchement de la guerre, avec le réflexe patriotique, la dispersion de l'armée, etc. rendit un projet de putsch plus difficile.
Halder tenta d'empêcher une attaque de la France durant l'hiver 1939-1940 et resta en contact avec l'opposition via le général Carl-Heinrich von Stülpnagel (un opposant actif).
Les résistants les plus déterminés veulent tuer Hitler par bombe : Oster et Erich Kordt, qui se dit prêt à mourir lui-même dans l'opération.
Au quartier général de Zossen (sud de Berlin), un groupe d'officiers appelé Groupe d´action Zossen préparait aussi un coup d’État.
En novembre 1939 quand Hitler paraissait sur le point d'ordonner l'attaque de la Belgique, les conspirateurs persuadèrent le général Wilhelm Ritter von Leeb, commandant le groupe d'armées C à la frontière belge, de soutenir le putsch. En même temps, Oster prévint Néerlandais et Belges qu'Hitler allait attaquer. Mais Hitler remit son attaque à plus tard.
L'offensive victorieuse de mai-juin 1940 va détourner l'attention des officiers antinazis et affaiblir l'opposition au sein de l'armée.
Les attentats du groupe de Tresckow (1942-1943)
En mars 1941, Hitler dévoile à des officiers réunis à Posen (Poznań) son projet de guerre d'extermination contre l'URSS. Parmi ces officiers, le colonel Henning von Tresckow, jusque-là antinazi passif, qui décide de passer à la résistance plus active. Nommé à l'état-major de son oncle le Feldmarschall Fedor von Bock, chef du Groupe d'armée centre pour l'opération Barbarossa (invasion de la Russie). Tresckow recrute systématiquement des opposants antinazis dans son équipe, en faisant le nouveau centre nerveux de la résistance militaire. Les victoires allemandes de 1941-1942 les empêchent d'agir.
La résistance est également affaiblie par la révocation par Hitler de Brauchitsch et de Bock après l'échec devant Moscou de décembre 1941. En 1942, Oster parvient à remonter un réseau de résistance au sein de l'armée. Sa plus belle recrue est le général Friedrich Olbricht, chef du bureau général de l'armée à l'état-major du Bendlerblock (Berlin) qui disposait d'un système de communications indépendant entre toutes les unités militaires en Allemagne.
Le nouveau réseau Oster associé au groupe de Tresckow dans le Groupe centre constitue un véritable réseau fiable. Tresckow parvient à enrôler partiellement le successeur de Bock : le général Hans von Kluge. Fin 1942 Tresckow et Olbricht préparent un nouveau coup mais ils ne peuvent tuer en même temps Hermann Göring et Heinrich Himmler. En mars 1943, une tentative d'assassinat d'Hitler, lors de sa visite au quartier général du Groupe d'armée centre à Smolensk en Russie (les explosifs cachés dans des bouteilles de Cointreau dans l'avion d'Hitler n'explosent pas, le détonateur étant gelé par le froid). Les auteurs directs de la tentative sont Tresckow, le lieutenant Fabian von Schlabrendorff. Si l'attentat avait réussi, Olbricht aurait pris la tête du coup d’État.
Une seconde tentative de la part des hommes du Groupe d'armée centre échoua quelques jours plus tard lorsque Hitler visita une exposition de matériel de guerre à Berlin. Un ami de Tresckow, le colonel comte Rudolph-Christoph von Gersdorff, devait se faire sauter avec Hitler. Mais Hitler passa trop rapidement et Gersdorff dut filer aux toilettes pour arrêter le compte à rebours.
À partir de 1943, le réseau des Affaires étrangères tenta de prendre contact avec les Alliés via des diplomates dans des pays neutres.
Theo Kordt, à l'ambassade allemande de Berne, communiqua à la demande des résistants du ministère des Affaires étrangères avec les Britanniques par l'intermédiaire d'intermédiaires tels que Willem Visser 't Hooft, secrétaire général du Conseil mondial des Églises à Genève.
Le Cercle de Kreisau envoya Dietrich Bonhoeffer et Helmut von Moltke rencontré George Bell, évêque de Chichester, à une conférence religieuse à Stockholm (Suède). Bell transmit leur message et leurs plans au secrétaire au Foreign Office Anthony Eden.
Un journaliste américain, Louis P. Lochner, sortit des messages codés d'Allemagne et les transmit à Roosevelt.
D'autres messages furent envoyés à travers les réseaux catholiques du Vatican, ou via des diplomates à Lisbonne.
Mais les Alliés ne crurent pas ou rejetèrent ces messages, refusant de traiter avec la résistance antinazie.
En août 1943, Tresckow rencontre un jeune officier, le colonel Claus Schenk Graf von Stauffenberg, grand blessé de guerre, catholique, assez mystique, d'opinion nationaliste et conservatrice. Olbricht présente à Tresckow et Stauffenberg un nouveau plan : l'armée de réserve avait un plan appelé opération Valkyrie, destinée à ramener l'ordre en Allemagne en cas de désordres civils. Olbricht suggéra que ce plan soit détourné pour prendre le contrôle de l'Allemagne, désarmer la SS et arrêter les dirigeants nazis après la mort d'Hitler. Il s'agissait de convaincre le commandant en chef de l'armée de réserve, le général Friedrich Fromm. Il s'agissait aussi de parvenir à tuer Hitler. Pour cela, durant l'hiver 1943-1944, les conspirateurs s'attachent à avoir un de leurs hommes proches d'Hitler qui apparaissait toutefois de moins en moins en public, ce qui rendait toute éventuelle tentative d'attentat plus compliquée. Il semble que plusieurs tentatives aient alors échoué de peu. L'étau se resserre cependant autour des résistants : en janvier et février 1944, Moltke puis Canaris sont arrêtés. Le 4 juillet 1944, Julius Leber, qui tentait de relier son parti SPD clandestin avec le KPD, est arrêté.
L'attentat du 20 juillet 1944
Le 20 juillet 1944, dans l'après-midi, Stauffenberg fait exploser sa bombe à quelques mètres d'Hitler. La répression qui suit cette tentative brise complètement la résistance conservatrice, présentée à la population comme un groupe de Junkers coupés du peuple.
Autres
Johannes Blaskowitz 1883-1948
Le général Johannes Blaskowitz, adjoint d'Halder, proteste auprès d'Adolf Hitler au sujet du traitement des Polonais et des Juifs. Ces protestations sont relayées par un nombre important d'officiers cantonnés en Pologne, qui s'indignent du traitement réservé aux Polonais de Posnanie, contraire aux traditions prussiennes.
À la toute fin du conflit, quelques jours avant la prise de Munich par les Américains, un groupe d'officiers et de soldats tente un coup d'état dans la ville, prend le contrôle de la mairie et de la radio, lance un appel à la chasse aux faisans (du nom des fonctionnaires du NSDAP) et expose un programme politique proche de celui des conjurés du 20 juillet 1944. Les SS, appuyés par quelques membres du parti, répriment cette tentative devant une population qui attend l'arrivée des Américains.
Résistance conservatrice
Le gros de la résistance conservatrice est constitué de la résistance au sein de l'armée.Des personnalités ont également cherché à renverser le nazisme comme le complot de Claus Schenk von Stauffenberg ou le Cercle de Kreisau.
Le Cercle de Kreisau
Le Cercle de Kreisau est l'un des mouvements de la résistance allemande les plus connus. Il n'était pas composé que de membres conservateurs, mais ses membres venaient essentiellement de cette mouvance (officiers et hauts fonctionnaires de l'aristocratie). De 1938 à l'attentat du 20 juillet 1944, il comptait vingt membres actifs et environ vingt sympathisants. Le domaine de Kreisau (Silésie), appartenant à la famille von Moltke, a abrité de 1940 à 1943 des rencontres de fonctionnaires et d'officiers, d'ecclésiastiques catholiques et protestants, d'hommes politiques conservateurs mais aussi sociaux-démocrates. Leurs réflexions devaient préparer une Allemagne postnazie, démocratique, humaniste, sociale et européenne. Le cercle a été créé par un avocat, le comte Helmuth James von Moltke. D'éducation partiellement britannique (par sa mère), il aurait été surnommé le comte rouge
Le groupe de Franz Sperr au sud de l'Allemagne (en contact avec de hauts officiers).
Un groupe de dirigeants travaillistes catholiques de Cologne.
Le cercle de Fribourg.
Des communistes modérés non staliniens.
À partir de 1943, certains membres du Cercle de Kreisau décidèrent de passer à l'action contre le régime et prirent contact avec Ludwig Beck, Carl Friedrich Goerdeler, Ulrich von Hassel et Claus Schenk von Stauffenberg. La plupart des membres du Cercle de Kreisau furent inculpés de haute trahison après le putsch du 20 juillet 1944 et furent condamnés à mort.
Les principaux membres du Cercle de Kreisau sont :
Le comte Helmuth James von Moltke (avocat).
Le comte Peter Yorck von Wartenburg (haut fonctionnaire).
Adam von Trott zu Solz (juriste ouvert sur l'international, fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères). Exécuté le 26 août 1944.
Hans-Bernd von Haeften (juriste, très haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères). Exécuté le 15 août 1944.
Julius Leber (ancien député social-démocrate). Exécuté le 5 janvier 1945.
Theodor Haubach (philosophe socialiste ?). Exécuté le 23 janvier 1945.
Carlo Mierendorff (ancien député social-démocrate SPD). Mort en décembre 1943 lors d'un bombardement allié à Leipzig.
Adolf Reichwein (professeur d'histoire social-démocrate). Exécuté le 20 octobre 1944.
Otto Heinrich von der Gablentz. Proche du socialisme religieux. En contact avec la résistance norvégienne. La Gestapo ignore sa participation au putsch du 20 juillet 1944. Il a survécu à la guerre.
Carl Dietrich von Trotha (haut fonctionnaire au ministère de l'Économie). Il a échappé à la Gestapo et survécu au régime nazi.
Horst von Einsiedel (membre du SPD). Destin terrible : s'il échappa à la Gestapo, il sera arrêté en 1945 par les Soviétiques et mourra en 1948 dans l'ex-camp de concentration nazi de Sachsenhausen, alors utilisé par les Soviétiques.
Theodor Steltzer (haut fonctionnaire de la république de Weimar). En 1940, ayant un haut poste militaire dans la Norvège occupée, où entra en contact avec la résistance norvégienne. Il survécut à la guerre.
Harald Poelchau (aumônier de prison influencé par le socialisme religieux). Il ne fut pas démasqué par la Gestapo après le 20 juillet 1944.
Hans Peters (professeur de droit et politique à Berlin). Son appartenance au Cercle de Kreisau ne fut pas découverte par la Gestapo et il survécut.
Alfred Delp (jésuite, prêtre à Munich, fut rédacteur de la revue catholique Stimmen der Zeit jusqu'à son interdiction en 1941). Arrêté en juillet 1944 et exécuté le 2 février 1945.
Lothar König (jésuite). Après le 20 juillet 1944, se cacha dans la cave à charbon du collège de jésuites Berchman jusqu'à la fin de la guerre.
Augustin Rösch (provincial des jésuites responsable du sud de l'Allemagne). Arrêté par les nazis le 11 janvier 1945, mais pas tué.
Paulus van Husen (juriste et important homme politique du parti centriste en Silésie). Arrêté en août 1944, mais libéré par les troupes soviétiques.
Hans Lukaschek (important politicien centriste de Silésie, était le membre le plus âgé du cercle de Kreisau). Arrêté le 20 juillet 1944, il est libéré peu avant la fin de la guerre.
Eugen Gerstenmaier (membre du bureau des relations ecclésiastiques internationales). Arrêté par les nazis en 1944 mais libéré par les troupes américaines.
Le comte Gottfried von Bismarck-Schönhausen, pourtant membre du parti nazi au Reichstag et officier SS.
Carl Goerdeler, ancien maire de Leipzig, sera la figure principale de l'opposition au nazisme dans les années 1940-1941, alors que les officiers ont l'attention détournée par les succès militaires.
Son groupe comptait :
Le diplomate Ulrich von Hassell,
Le ministre des Finances de Prusse Johannes Popitz,
Helmuth James Graf von Moltke, chef du Cercle de Kreisau,
Goerdeler était également en contact avec le SPD clandestin de Julius Leber avec les oppositions catholiques et protestantes.
Les résistants des Affaires étrangères
Le conservateur (sans parti) Konstantin von Neurath resta ministre des Affaires étrangères du Reich de 1933 à 1938. Durant cette période, il laissa se développer un cercle actif de résistants sous le patronage discret du sous-secrétaire d'État Ernst von Weizsäcker. Les principaux membres de ce cercle étaient :
Ulrich von Hassell, ambassadeur à Rome.
Friedrich Graf von der Schulenburg, ambassadeur à Moscou.
Adam von Trott zu Solz, haut fonctionnaire.
Erich Kordt, haut fonctionnaire.
Hans-Bernd von Haeften, haut fonctionnaire.
Ce cercle survécut même lorsque le nazi Joachim von Ribbentrop remplaça Konstantin von Neurath comme ministre des Affaires étrangères, en 1938.
Résistance en Alsace-Moselle
Il faut mentionner la résistance aux forces allemandes dans ces trois départements français qui sont annexés de facto le 18 octobre 1940 au territoire allemand, par un décret d'Hitler dont la publication fut interdite, pour former le Reichsg
Au Westmark (Marche de l'Ouest : Moselle, Sarre et Palatinat) et le Reichsgau Oberrhein (Haut-Rhin : Alsace et Bade). Du fait de l'annexion, la résistance dans ces trois départements n'a presque aucune relation avec la Résistance intérieure française, ni ne reçoit de soutien matériel des forces alliées.
Paul Dungler 1902-1974
En Alsace, la résistance est animée par une base syndicalo-communiste, notamment le réseau Wodli, ou par des conservateurs comme Paul Dungler.
Enfin, il faut signaler que peu avant l'annexion, des dizaines de milliers de personnes ont quitté cette région pour s'installer dans d'autres régions françaises, où ils s'inséreront dans les groupes locaux de la Résistance.
En Moselle
Méconnue dans l'historiographie française, la Résistance dans ce département a été particulièrement forte et populaire. Plus qu'ailleurs, la population vit mal une occupation brutale qui nie la culture locale, avec notamment l'interdiction de parler français, de porter un béret, signe de francophilie, germanise les noms de familles, les prénoms, les noms de communes, interdit de donner aux nouveau-nés des prénoms à consonance française.
Ainsi dès le 15 août 1940, le rassemblement traditionnel autour de la statue de la Vierge de la place Saint-Jacques à Metz est la première protestation présidée par l'évêque de la ville Mgr Heintz qui sera expulsé dès le lendemain comme 60 % du clergé mosellan.
Sensible au fait que le général de Gaulle ait choisi la croix de Lorraine comme emblème de la Résistance, la population apporte un grand soutien notamment aux prisonniers de guerre évadés pour lesquels le département est point de passage presque obligé (par exemple le futur président de la République François Mitterrand à Säargemünd (Sarreguemines)).
Le premier sabotage recensé date du 12 août 1940. Le commandant Scharff fonde le groupe Mission Lorraine qui s'intègre à l'Organisation de résistance de l'armée (ORA) en octobre 1943. Les deux groupes les plus actifs sont le groupe Mario, autour de Jean Burger et à un degré moindre le groupe Derhan.
Plus de 1 000 Mosellans ont été arrêtés pour faits de résistance et des familles entières (environ 10 000 personnes) ont été déportées en Silésie pour opposition à la germanisation de la Lorraine. Il s'agit, en presque totalité, de famille d'ouvriers ou d'employés.
Résistance en Autriche
Le O5 est le nom d'un groupe de résistants autrichiens pendant la Seconde Guerre mondiale.
O5 ; Fritz Molden ; Major Carl Szokoll ;
Opération Radetzky; Jakob Gapp; Franz Jägerstätter.
Autres engagements individuels
Attentas
Malgré les projets de coup d'État contre Hitler montés au sein de l'armée, c'est un charpentier, autrefois proche du Parti communiste, qui réalisera en 1939 le seul véritable attentat avant la Seconde Guerre mondiale : Johann Georg Elser, qui sera déporté et exécuté. L'attentat fit huit morts, mais Hitler avait quitté la salle plus tôt que prévu.
Participation à la Résistance en France
Trois mille allemands ont participé par anti-nazisme à la Résistance intérieure française, notamment au sein de l'O.S. /Bataillons de la Jeunesse, groupes de jeunes lançant la lutte armée dont fit partie par exemple Karl Schönhaar, du Comité Allemagne libre pour l’Ouest, de différents maquis, et des FFI.
Né à Hedelflingen (près d’Esslingen, en Allemagne), d’un père allemand (Eugen Schoenhaar) et d’une mère française (Odette Pisler). Son père, un dirigeant du Secours rouge chargé de l’impression de la littérature devenue illégale après la prise du pouvoir par les nazis, sera arrêté et abattu par la Gestapo. La mère et le fils franchissent alors la frontière et se réfugient dans la famille à Lausanne ; mais Odette Pisler, ayant épousé un Allemand, a perdu sa nationalité. Menacée d’être extradée vers l’Allemagne, elle se réfugie à Paris. Demeure avec son fils 6 rue Etienne-Marey (XXe), dans l’immeuble dont Pierre Leblois était le concierge.
Karl, élève au lycée Louis-Rollin (actuellement Jacques-Decour), participe aux premières actions de résistance. Il est renvoyé du lycée sur instructions du rectorat pour ses activités politiques mais se fait admettre à l’Institut d’optique du boulevard Pasteur (XVe).
Parmi les opérations auxquelles il a participé, citons
1er février 1942, il est à la tête du détachement qui attaque des véhicules de l’armée allemande, place de la Concorde. Des explosifs sont placés sous les camions qui seront pulvérisés. Participe à l’opération Roger Debrais.
1er mars 1942, attentat contre le poste de garde n° 328 d’un bataillon de la Wehrmacht situé au 41 rue de Tanger (XIXe), avec Tardif, Tondelier et d’autres membres des Bataillons de la Jeunesse.
Il est arrêté le 8 mars 1942, lors d’une tentative d’attentat à la bombe visant l’exposition. Le bolchevisme contre l’Europe qui vient d’être inaugurée salle Wagram.
Trois mille allemands ont participé par anti-nazisme à la Résistance intérieure française, notamment au sein de l'O.S. /Bataillons de la Jeunesse, groupes de jeunes lançant la lutte armée dont fit partie par exemple Karl Schönhaar, du Comité Allemagne libre pour l’Ouest, de différents maquis, et des FFI. Karl sera fusillé à l’âge de 17 ans.
Reconnaissance et historiographie
Mémorial de la résistance allemande contre le nazisme
Plaque apposée dans la cour du Bendlerblock en mémoire des morts du complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler.
Le musée du Mémorial est situé dans le Bendlerblock, un complexe construit entre 1911 et 1914 pour abriter l’État-major de la marine. Après la Première Guerre mondiale, la direction militaire du Reich déménagea dans le bâtiment. Sous le national-socialisme, le Bendlerblock abritait aussi le bureau des affaires étrangères du renseignement et le commandement suprême de l'armée de terre. Son commandant, le général Friedrich Olbricht, planifia le complot contre Hitler. Après l'échec du complot, le comte Claus Schenk Graf von Stauffenberg, Friedrich Olbricht, Albrecht Ritter Mertz von Quirnheim et Werner von Haeften furent fusillés dans la cour d'honneur actuelle du Bendlerblock. C'est donc à cet endroit qu'on posa la première pierre d'un mémorial de résistance allemande, le 20 juillet 1952. Le maire de Berlin, Ernst Reuter, inaugura le musée un an plus tard. Le 20 juillet 1968, un centre mémorial et didactique fut ouvert, présentant une exposition permanente sur la résistance au national-socialisme. Le centre du mémorial est la cour d'honneur dans laquelle furent fusillés les résistants, le 20 juillet 1944.
Angela Merkel 1954-
Le 28 juin 2014, la chancelière allemande Angela Merkel a rendu hommage aux auteurs de l'attentat contre Hitler, qui ont su prendre une décision conforme à leur conscience, dans une situation extrêmement difficile, avant d'inaugurer le 1er juillet 2014 une nouvelle exposition permanente du Mémorial de la résistance allemande notamment consacrée à la tentative d'attentat contre Hitler.
Monuments en France
Monument à la mémoire du maquis de Bonnecombe au col de Bonnecombe dans les monts de l'Aubrac en Lozère.
Un monument simple (une pierre plantée) rend hommage au maquis formés en France par des antifascistes allemands en Haute Lozère et dans les Cévennes (maquis de Bonnecombe et de Marvejols, puis maquis Montaigne), aux côtés de la Résistance française, à partir du printemps 1943.
CES ALLEMANDS QUI LUTTÈRENT CONTRE HITLER
L'homme qui a failli tuer Hitler
La brasserie où Hitler fit ses premiers discours électorales
Après les accords de Munich, du 30 septembre 1938, il a décidé de s'engager par la force contre le régime. L'électeur communiste, le cotisant du syndicat des travailleurs du bois, s'attire même la méfiance de ses camarades de l'Union des combattants du Front rouge, car il prône la lutte ouverte. Il se fait alors embaucher dans une carrière, où il acquiert des connaissances en matière de dynamitage et en profite pour dérober des cartouches et des détonateurs. Après s'être volontairement blessé à une jambe avec une grosse pierre, Johann-Georg Elser met son congé de maladie à profit pour effectuer des tests dans Le verger parental.
Le 5 août 1939, il déménage à Munich. Là, il assemble avec minutie un boîtier tapissé de liège et y loge deux montres destinées au déclenchement de trois boulons qui frapperont simultanément trois capsules bourrées de poudre. Durant trente-cinq nuits, il parvient à se laisser enfermer dans le Bürgerbrâukeller, et il creuse une cavité dans un pilier placé près de la tribune où l'orateur honni haranguera son auditoire. Le 8 novembre 1939, vers 20 h 45, deux brigadiers allemands, le soupçonnant de désertion, l'interpellent à Constance, à 300 mètres de la frontière helvétique. Les deux policiers le placent en détention avant de le transférer vers Munich. Au même moment, à Munich, Hitler s'adresse à quelque 3 000 fanatiques. L'allocution ne dure que 50 au lieu des 90 minutes prévues. Le despote est pressé. D'autres tâches l'appellent à Berlin. De surcroît, le retour sur Berlin par avion est impossible à cause d'un épais brouillard et le trajet doit se faire par train spécial. Hitler et ses lieutenants quittent les lieux à 21 h 07. À 21 h 20, une déflagration secoue la grande salle. Maria Henle, une des serveuses, de même que sept membres du parti périssent sur le coup. Soixante-trois autres clients sont blessés, l'un d'eux succombera quelques jours plus tard.
Dès le lendemain de l'attentat, Hitler profite de l'opportunité pour attiser la haine de ses compatriotes à l'encontre des Anglais et des juifs. Le chef nazi exige de savoir qui est ce type qui a nourri le dessein de le supprimer. Il demande à Reinhard Heydrich, le chef de la Sécurité, d'user de tous les moyens pour amener ce criminel à cracher Le morceau. Hypnotisez-le, droguez-le. Je veux connaître l'identité des instigateurs. Ni lui, ni les cercles de la Résistance ne croient à l'initiative d'un comploteur solitaire. Pourtant les SS, qui interrogent Elser à Berlin, après son transfert de Munich, doivent se rendre à l'évidence lorsqu'il reconstitue, son croquis, le modèle de sa bombe. Il revendique la responsabilité de l'attentat, précise qu'il souhaitait s'implanter en Suisse; mais qu'il désirait, au préalable, fournir des détails précis sur son engin dans le but d'éviter la rafle d'innocents. Enfin, pour prévenir une extradition éventuelle, il avait emporté de la documentation relative à la confection de munitions ainsi que des informations sur des usines d'armement qu'il aurait remis aux services de renseignement suisses. Interné au camp de Sachsenhausen, Elser subit la terreur de ses geôliers. Ils veulent lui faire endosser, après l'avènement du Reich de mille ans, le rôle de témoin principal dans un simulacre de procès au cours duquel les nazis confondraient Churchill. Mais c'est l'inverse qui se produit. Après l'été 1944, lorsque les dirigeants du Reich sentent la défaite proche, Himmler, le ministre de l'Intérieur, ordonne l'exécution d'Elser le 9 avril 1945 à Dachau.
Les feuilles de la rose blanche
Sophie Scholl 1921-1943
Issus de familles bourgeoises étrangères à l'action politique, ignorant tout des méthodes de la clandestinité, les amis de la Rose blanche avaient reçu la dure éducation de la dictature et de la guerre ; influencés par leurs familles, la plupart d'entre eux s'étaient soustraits à la séduction nazie. Si Hans et Sophie avaient fait un bref passage dans les Jeunesses hitlériennes, c'était en réaction contre un père militant pacifiste et républicain, mais ils étaient vite revenus de ce détour et, grâce à ce père, ils comprenaient mieux les funestes intentions du Führer et de ses compagnons.
Les garçons, étudiants en médecine (une branche qui échappait quelque peu à l'endoctrinement nazi), avaient participé à la campagne de Russie (à partir de juin 1941) et connaissaient les crimes monstrueux qui se perpétraient là-bas, au nom de la nation allemande. Les tracts de la Rose blanche comptent parmi les très rares textes de la résistance allemande où est dénoncée avec véhémence l'extermination des Juifs.
Les Feuilles de la Rose blanche ont commencé à être diffusées à partir de juin 1942. Elles étaient essentiellement destinées à des médecins, des enseignants, des juges, des fonctionnaires dont les noms étaient choisis dans l'annuaire du téléphone. Leurs auteurs anonymes appelaient à la résistance passive. Chacun était incité à se défendre contre le fléau de l'humanité, contre le fascisme, en prenant conscience de sa responsabilité en tant que membre de la culture chrétienne et occidentale.
Il fallait donc tout faire pour empêcher la machine athée de la guerre de continuer sa course. Le peuple allemand se comporte comme un troupeau de suivistes sans volonté. Chacun attend que l'autre commence. Devant ses juges, Sophie Scholl le répétera : Il fallait bien que quelqu'un commence.
Appel à tous les Allemands
Hans Scholl 1918-1943
Fin 1942 et début 1943, la défaite de Stalingrad sonne le glas du régime nazi. Dès le printemps 1942, les bombardements des grandes villes allemandes s'étaient intensifiés et généralisés. C'est dans ce climat de plus en plus tendu qu'est diffusée la deuxième Feuille, de Hans Scholl, essentiellement consacrée à la dénonciation de la politique d'extermination menée en Pologne et en Russie, envers les Slaves et surtout les Juifs. Chacun veut s'exonérer lui-même de toute responsabilité. Chacun fait ainsi et se rendort ensuite avec la conscience la meilleure et la plus tranquille. Mais il ne peut s'acquitter lui-même. Tous un chacun est coupable, coupable, coupable.
Après avoir vécu les horreurs de la guerre sur le front de l'Est pendant plusieurs mois, entre la fin de juillet et le début de novembre 1942, les amis se retrouvent à Munich et élargissent leur action. Un groupe de la Rose blanche est alors constitué à Hambourg, un autre se fonde à Fribourg. En janvier 1943, Hans Scholl, Alex Schmorell (un ami de toujours) et Willi Graf rédigent et font circuler un cinquième tract. Cette fois, le texte est distribué dans plusieurs villes. Aussi le titre change-t-il et devient Feuilles volantes du mouvement de résistance en Allemagne. Cet Appel à tous les Allemands commence par une affirmation lapidaire : Hitler ne peut plus gagner cette guerre. Hitler mène le peuple allemand vers l'abîme.
Il annonce un jugement terrible mais juste, qui frappera tous les coupables. En outre, il revendique l'abandon de la pensée de puissance impérialiste, le rejet du militarisme prussien et prône la construction d'une Allemagne fédérale dans une Europe fédérale, dans l'esprit d'un socialisme raisonnable. Les tracts sont à présent imprimés à des dizaines de milliers d'exemplaires. En janvier 1943, au cours d'un voyage en Autriche, Alex Schmorell en expédie près de deux mille, Sophie, plus de huit cents dans la région de Stuttgart.
Trois amis décapités
Au début de février 1943, lors de la célébration des quatre cent cinquantième anniversaires de l'université de Munich, le Gauleiter, chef du parti nazi de Bavière, essuie une violente manifestation d'hostilité. La première édition de l'Appel à tous les Allemands étant épuisée, mille trois cents exemplaires supplémentaires sont imprimés et expédiés. Le 3 février, la population apprend, avec un jour de retard, la capitulation de l'armée allemande à Stalingrad. Les amis peignent alors sur de nombreuses façades des appels à la révolte. En même temps, grâce à Falck Harnack, membre important du groupe de résistance L'Orchestre rouge, en liaison directe avec les hommes qui préparent le coup d'État qui éclatera et échouera le 20 juillet 1944, la Rose blanche entre en contact avec d'autres secteurs de l'action antihitlérienne.
Un large front antifasciste se dessine. Le professeur Huber rédige un tract demandant que le destin des armées allemandes soit soustrait au dilettante Hitler et que ce qui reste de la jeunesse allemande ne soit pas sacrifié aux bas instincts de puissance de la clique nazie.
Luttons contre le parti ! Abandonnons les formations apparentées au parti ! Nous voulons la vraie science et la liberté de l'Esprit. Le 18 février, Hans et Sophie distribuent près de deux mille exemplaires de ce texte dans les salles de l'université. Mais un concierge les observe et bloque les portes. Les deux étudiants sont immédiatement transférés au siège de la Gestapo. Hans porte sur lui le texte d'un nouveau tract rédigé par Christophe Probst. La Gestapo découvre le texte dont elle identifie l'écriture. Christophe est arrêté le 19. Ce sera ensuite le tour d'Alex, de Willi et du professeur Huber.
Le procès contre Hans, Sophie et Christophe a lieu trois jours plus tard. Les accusés restent calmes malgré les hurlements du président Freisler. A l'une de ses attaques furibondes, Sophie répond tranquillement : Ce que nous avons dit et écrit, tant d'autres le pensent mais n'osent pas le dire ! Les trois amis sont décapités quelques heures après le jugement, à 17 heures, dans les locaux de la prison de Stadelheim.
Un ministre du culte contre Hitler
Dietrich Bonhoeffer se posa d'emblée en farouche adversaire du régime. Le 1er février 1933, deux jours après la nomination d'Adolf Hitler au poste de chancelier, ce pasteur, né le 4 février 1906 à Breslau en Basse-Silésie, dénonça dans une émission de radio l'autodéification du pouvoir. L'animateur lui coupa le microphone. À l'annonce, en avril 1933, du boycott décrété par les nazis contre les commerçants juifs à l'instigation de Josef Goebbels Dietrich Bonhoeffer estima que la simple protestation ne suffisait plus, mais qu'il fallait bloquer les rayons de la roue.
En réaction à l'emprise du mouvement des Chrétiens allemands, proche des nazis, qui réclamait un paragraphe sur l'aryanité, Martin Niemôller et d'autres ministres du culte berlinois fondèrent, le 11 septembre 1933, la Ligue d'urgence des pasteurs, à laquelle adhéra rapidement plus de la moitié, soit 7000, des chargés d'âmes de l'Église évangélique. Sous l'impulsion du théologien bâlois social-démocrate Karl Barth et de Martin Niemôller, l'Église confessante, branche dissidente du protestantisme, naquit lors de son synode, du 29 au 31 mai 1934, à Barmen, près de Wuppertal.
Ses responsables confièrent à Dietrich Bonhoeffer la création et l'animation des premiers séminaires, d'abord à Zingst, puis à Finkenwalde, en Poméranie. De 1935 à 1937, le maître de conférences forma des clercs, très impressionnés par son radicalisme. En 1937, Hans Kerrl, le ministre du Reich chargé des questions religieuses, proscrivit la poursuite de ces activités.
Hanns Kerrl 1887-1941
Après la Nuit de cristal, du 9 au 10 novembre 1938, Bonhoeffer lança à l'adresse des croyants cette phrase restée célèbre: Seul celui qui crie en faveur des juifs a le droit de chanter du grégorien. Entre-temps, de nombreux membres de l'Église confessante avaient opté pour la voie du compromis envers les autorités nazies. Plus tard, ils prêtèrent serment de fidélité au Führer. Le 28 mai 1936, la direction de l'Église confessante lui avait transmis un mémorandum dans lequel elle requérait, outre des mesures d'ordre cultuel, la dissolution de la Gestapo et la fermeture des camps de concentration. Après un mois passé aux États-Unis, Bonhoeffer retourna en Allemagne le 7 juillet 1939. Par l'intermédiaire de son beau-frère, Hans von Dohnanyi, il côtoya des groupes qui envisageaient d'éliminer le despote et obtint un emploi dans l'Abwehr, Le service du contre-espionnage dirigé par l'amiral Wilhelm Canaris.
Agent et messager, il voyageait beaucoup à l'étranger où il noua des contacts, y compris auprès de gouvernements alliés contre l'Allemagne. En mai 1942, en compagnie du pasteur Hans Schônfeld, il retrouva à Stockholm son ami monseigneur George Kennedy Allen Bell, l'archevêque de Chichester; il enjoignit ce dernier d'informer les autorités britanniques de l'existence d'un plan visant à supprimer Adolf Hitler. Anthony Eden, le ministre des Affaires étrangères, ne jugea pas utile d'aider les adversaires de son ennemi juré.
Le 5 avril 1943, deux mois et demi après ses fiançailles avec Maria von Wedemeyer (18 ans), Dietrich Bonhoeffer fut cueilli à son domicile berlinois, allée Marienfeld, par deux fonctionnaires en noir qui le conduisirent à la prison militaire de Tegel, où il resta détenu 18 mois sans que la moindre procédure fût engagée contre lui. Le 8 octobre 1944, la Gestapo le transféra à son siège aux 8 rues du Prince Albert. Le 7 février 1945, il fut envoyé à Buchenwald et aboutit finalement, le 3 avril 1945, dans le terrible camp de Flossenbürg en Bavière où 73 296 personnes périrent.
Le 5 avril 1945, alors que les troupes alliées avaient déjà pénétré loin à l'intérieur du territoire germanique, Ernst Kaltenbrunner, le chef du Bureau central de la sécurité, ordonna à ses officiers de traduire devant une cour martiale quelques-uns des conjurés du 20 juillet 1944 non encore châtiés. À l'issue d'une audience expéditive, l'amiral Wilhelm Canaris, le général Hans Oster, le chef de la justice militaire Karl Sack, le capitaine Ludwig Gehre ainsi que Dietrich Bonhoeffer se virent condamner à mort, le 8 avril 1945, par le chef de bataillon SS Otto Thorbeck. Le lendemain, ils furent pendus et leurs dépouilles incinérées.
La résistance bourgeoise contre Hitler
Signalons encore dans le camp de la résistance bourgeoise, Hanna Solf veuve de l'ancien ambassadeur allemand à Tokyo. Son salon, où l'on prend le thé, est l'un des endroits où se retrouvent des opposants conservateurs à Hitler. Les relations de Hanna et de sa fille, la comtesse Ballestrem, leur permettent des interventions en faveur des persécutés. Les idées et l'éthique du cercle de Solf ont également inspiré la résistance active. C'est parce qu'il a tenté d'avertir Hanna Solf de la présence au sein de son cercle d'un espion de la Gestapo, que Helmuth von Moltke est arrêté fin 1943. Hanna Solf et la comtesse Ballestrem seront aussi internées, mais échapperont à la mort par suite d'atermoiements judiciaires. La pédagogue Elisabeth von Thadden, qui fréquente leur cercle, n'aura pas cette chance. Dans l'ensemble, la résistance politique des femmes ne se distingue pas de celle des hommes. Elles font simplement preuve d'une capacité plus grande à échapper à la Gestapo en conjuguant ruse et prudence. Mais il faut dire aussi que celle-ci s'en méfie moins, surtout au début.
Liselotte Hermann 1908-1938
Le régime craint que la répression envers les femmes n'éveille dans le public une compassion nuisible à la cohésion de la communauté du peuple. La première condamnation à mort d'une femme est celle de la jeune communiste Liselotte Hermann exécutée en 1938. Les nazis ouvrent néanmoins des lieux d'internements pour les femmes. Un premier camp de concentration est installé fin 1933 à Moringen, puis transféré en 1938 au château de Lichtenburg. Le camp de Ravensbrück est créé en 1939 et reçoit, jusqu'en 1945, 132 000 femmes (dont beaucoup d'étrangères). A partir de 1941, d'autres camps de concentration comme Auschwitz-Birkenau et Gross-Rosen ont des sections pour femmes.
Les témoins de Jéhovah contre Hitler
Dans la communauté singulièrement persécutée des témoins de Jéhovah, qui refusent de se plier pour des raisons religieuses aux injonctions du régime (pas de salut hitlérien, pas de participation aux organisations et aux services obligatoires, refus de porter les armes et de travailler pour la guerre), le rôle des femmes dans la résistance au nazisme est particulièrement important. Il est vrai qu'elles sont spécialement visées par le pouvoir qui s'efforce de détruire leurs foyers en cas de mariage mixte, les prive de leurs emplois et de leurs moyens de subsistance, leur retire la garde de leurs enfants.
Les femmes prennent une part très active dans la fabrication et la diffusion du bulletin Réveillez-vous et des tracts protestant contre le traitement infligé à leurs coreligionnaires. De 1935 à 1945, la proportion des femmes Témoins condamnées par le régime ne cesse de grandir pour atteindre les deux tiers.
À Ravensbrück, en 1939, une détenue sur trois est issue de cette communauté. Dans les camps, ces femmes se signalent par la fidélité à leur foi, par une dignité, une inflexibilité et une solidarité qui leur attirent l'admiration de leurs codétenues, voire l'estime des SS. Acceptant la détention comme une épreuve voulue par Dieu qui leur permet de poursuivre leur prosélytisme, elles s'interdisent de fuir et, de ce fait, sont souvent engagées par les SS comme employées de maison !
2000 femmes aryennes contre Hitler
Comment classer la démarche de 2,000 femmes aryennes qui, dans les jours qui suivent le déclenchement de l'Action finale concernant les juifs berlinois (il en reste alors à peu près 27000 dans la capitale, qui seront tous déportés), le 27 février 1943, se rassemblent devant le bâtiment de la Rosenstrasse, où est installé un camp de transit, pour protester contre la déportation de leurs parents juifs ou mi-juifs?
Leur obstination et leur cran face aux mitraillettes des SS sont récompensés. Elles retrouvent bientôt maris et enfants. Cet événement a en fait une grande signification politique. Il montre les limites de la dictature, qui est parfois obligée de reculer devant une protestation collective et publique résolue.
La résistance humanitaire est sans doute le domaine où les femmes donnent la mesure de leurs qualités et de leur courage. Elles sont nombreuses à s'y engager. Certaines mesures du régime, comme la décision d'euthanasier les malades mentaux incurables, les touchent au premier chef car elles concernent souvent un enfant. Elles ne peuvent rester insensibles aux flots des persécutés, notamment juifs, qui essaient d'échapper aux griffes nazies ou en subissent les abominables cruautés dans les prisons et les camps.
Il faut évoquer ici des personnalités comme la comtesse Maria von Maltzan qui sauve la vie d'un grand nombre de personnes, mais aussi beaucoup d'héroïnes anonymes telles Grete Borgmann, qui donne refuge à maints persécutés dans sa mansarde, Johanna Lehmann qui réussit à cacher des juifs pendant des années dans une maison de retraite berlinoise, la jeune Anneliese Biber qui passe médicaments et nourriture aux détenus de Dachau, etc.