GARDIENNESDE-CAMPS-SS

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GRANDIR EN ALLEMAGNE NAZIE

Le coup de poignard dans le dos

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Que se passa-t-il pendant l'enfance de cette génération de la classe moyenne allemande qui fit d'elle une telle source de pouvoir pour les maîtres du Ille Reich ? J'incriminerais surtout l'atmosphère sombre des lendemains de la première guerre mondiale. Nos parents se plaignaient sans cesse de l'appauvrissement croissant de l'Allemagne. A peu près constamment, nous voyions des individus en loques venir implorer à notre porte une assiette de soupe. La vue d'invalides de guerre, amputés ou aveugles, qui mendiaient aux carrefours nous effrayait souvent. Nous entendions toujours les adultes parler de tel ou tel de leurs amis qui avait perdu son emploi et ne savait plus comment faire vivre sa famille. On comptait à la fin six millions de chômeurs.
De plus, mes parents imputaient tout cela aux réparations que l'Allemagne devait payer à ses anciens adversaires, ainsi qu'à la perte des zones industrielles allemandes. On ne parlait pas, en revanche, des conséquences de la grande crise économique qui était durement ressentie partout, et pas seulement en Allemagne, au début des années 1930. Tous nos maux venaient du désastre national de Versailles.
Longtemps avant que nous comprenions vraiment ce que signifiait la guerre nous savions qu'il s'agissait de quelque chose d'horrible. Et quand les adultes en parlaient, c'était pour répéter que sa conclusion et ses conséquences constituaient une monstrueuse injustice. Ils disaient : L'Allemagne a perdu la guerre, bien qu'aucun pays n'ait eu de soldats plus courageux que les siens. Elle n'a pas été battue sur le terrain, mais poignardée dans le dos par les crapules qui la gouvernent à présent.

 

L’influence des Juifs

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Selon mes parents, l'Allemagne était gouvernée depuis 1918 par ceux-là mêmes qui l'avaient trahie. Partout nous entendions les gens protester contre les jeux confus des partis politiques. Tous enfants que nous fussions, nous sentions à quel point ces partis maudits empoisonnaient l'atmosphère. J'avais douze ans lorsque je me trouvai prise dans un combat de rue, entre communistes et nationaux-socialistes. Quand je repense à cette époque, il me semble que ma mère lisait chaque matin dans le journal la nouvelle d'un assassinat politique.
On entendait sans cesse répéter que l'une des raisons de ce triste état de choses était l'influence grandissante des juifs. Quand j'étais entrée à dix ans au lycée, le tiers de mes camarades étaient des juives et je les traitais exactement comme les autres. Mes parents fréquentaient des collègues juifs de mon père et l'excellent vieux M. Lévy, qui occupait l'appartement au-dessous du nôtre, était un ami. Mais tout cela n'empêcha pas mes parents d'être antisémites, encore qu'ils se refusassent à l'idée de mesures de rétorsion brutales à l'égard des juifs. Les adultes nous enseignèrent que les juifs étaient mauvais, qu'ils faisaient cause commune avec les ennemis de l'Allemagne, etc. Pour nous, le juif faisait donc figure d'épouvantail. Nous n'aurions jamais pensé identifier à ce juif nos camarades d'école israélites ou le vieux M. Lévy. Cette confusion mentale me permit, par la suite, de me conduire et de penser en antisémite, sans me rendre compte de ce que cela avait d'inhumain. Je haïssais un épouvantail et non pas des êtres humains.

 

Adhésion aux jeunesses Hitleriennes

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Nous étions donc prêts pour devenir des nazis enthousiastes. Le national-socialisme combla nos aspirations. Pour moi, il fortifia mon opposition à ma famille, conservatrice et bourgeoise. Ma mère exigeait de ses enfants la même obéissance que de ses domestiques. Cela m'incita, dès mon enfance, à me solidariser avec les classes opprimées. L'idée d’Hitler d'une association de toute la nation me fascinait. J'imaginais que cela ferait de ce monde un paradis où toutes les classes vivraient ensemble comme les membres d'une même famille. Je ne pensais pas alors que quantité de gens seraient exclus de ce paradis les juifs, les socialistes, les infirmes de naissance.
En mars 1933, et contre le voeux de mes parents, j'adhérai secrètement à la Hitler Jugend (Jeunesse hitlérienne). Nous vivions enfin délivrés de l'éternelle tutelle des adultes. Nous étions tous des jeunes responsables de nos actes. Je devins journaliste, chargée de rendre compte dans la presse locale des activités de notre groupe.
J'eus le sentiment de participer à l'édification de l'Allemagne nationale-socialiste. Mes parents cessèrent peu à peu de s'opposer à ma présence au sein de la H. J. : la réussite d’Hitler commençait à modifier leur opinion. Le nombre des chômeurs diminuait. Tout le monde pouvait constater qu’Hitler avait rétabli l'ordre. Il nous débarrassait de la clique juive de la République de Weimar. Il avait quitté la méprisable S.D.N, repris la Sarre, etc.

 

La jeunesse allemande

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Les Allemands commençaient à relever la tête ! L'Allemagne n'était plus un jouet entre les mains de ses ennemis. Aux Jeux olympiques de Berlin, en 1936, la jeunesse allemande rencontra des jeunes gens de tous les pays. Désormais sur un pied d'égalité, nous accueillirent fort bien ces enfants de nos ennemis héréditaires. Nous souhaitions alors un avenir de paix et d'estime mutuelle.
Entre-temps je continuais mes études tout en consacrant à la H. J. tous mes instants de liberté. La vision d'un plus grand empire allemand m'obsédait. Il fallait jadis des générations pour édifier un empire. Nous voulions construire le nôtre en un clin d'oeil. Je ne m'accordais donc pas un instant de repos.
Après mon examen de fin d'études, je fus envoyée pour mon temps de service civil dans un camp de Prusse-Orientale. Cette période fut la plus insouciante de ma vie. Pour la moisson, nous travaillâmes plus de quinze heures par jour. J'étais parfois si fatiguée que je tenais à peine debout. Mais j'étais heureuse parce que je me sentais utile. Il y avait parmi nous des paysannes, des étudiantes, des coiffeuses, des domestiques, des employées. L'entente qui régnait dans notre camp constituait un parfait modèle réduit du rassemblement du peuple allemand d’Hitler. Je croyais que l'ambiance de ce camp annonçait celle du monde de l'avenir.

 

La nuit de cristal

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Après mon service civil, je devins responsable à plein temps des organisations de jeunesse. J'étais heureuse de n'avoir plus à sacrifier la H. J. à ma scolarité. Pendant les deux ans qui précédèrent la guerre, la réalisation de nos rêves : l'édification d'une Allemagne impériale, nous parut à portée de la main. Le retour dans le sein de la mère patrie de l'Autriche et des Sudètes nous fit déborder d'enthousiasme.

La nuit du 9 au 10 novembre 1938, la Nuit de cristal, mit une ombre sur notre joie. Des atrocités de la nuit, je ne vis rien, mais, au matin, je constatai le saccage des petites boutiques et des restaurants modestes tenus par des juifs près de l'Alexanderplatz à Berlin. Ces traces de violence m'horrifièrent. Mais ne nous avait-on pas constamment répété que la juiverie internationale excitait le monde contre l'Allemagne ? A présent, les juifs s'étaient vu infliger un sévère avertissement.
Je chassai aussi vite que je pus de mon esprit le souvenir de cette manifestation, qui n'avait pourtant frappé que des innocents ces petites gens dont on avait dévasté les modestes boutiques avaient-ils quelque chose de commun avec le capitalisme juif international ? Il était plus simple de n'y plus penser et de se remettre rapidement au travaille.

 

Discourt à Nuremberg

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Le IXe congrès de Nuremberg de l’automne 1938 s’était placé sous le signe du Reich de la Grande-Allemagne et, sans aucun doute, constitua le plus grandiose, le plus imposant, le plus colossal et le plus menaçant de tous les grands rassemblements de foules qu’ait jamais eu pour théâtre l’Allemagne national-socialiste.

Rien ne bougeait, rien ne vivait, rien n’existait, hormis ce ciel enflammé, cette nuit inhumaine, intemporelle et le face à face de cet homme avec cette foule, le pullulement des dignitaires massés sur les gradins, la mer des spectateurs par dizaines de milliers surplombant l’océan de casques d’acier, la houle des armes, l’alignement des rangées d’étendards, l’immobile coulée d’un bloc de cent mille, de deux cent mille, de trois cent mille recrues et vétérans statufiés. 
Dans une atmosphère survoltée, le lundi 12 septembre, Hitler entra au crépuscule dans la ville et de là, gagna le Pré du Zeppelin pour y prononcer le discours de clôture. Tout avait été conçu, agencé, ordonné, pour conférer à l’ultime soirée l’harmonie sauvage d’un événement dramatisé au maximum, attendu et appréhendé dans une nervosité croissante et inquiète par la plupart des grandes capitales étrangères.



01/07/2016
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